Ignorer la langue de l’autre, c’est se retrouver dans l’impossibilité de le connaître et de le comprendre. Or, lorsqu’on évoque le cas des musulmans vivant dans le monde francophone, en particulier celui des jeunes réceptifs à l’idéologie islamiste, on se rend rarement compte qu’ils ont adopté un langage dont nous ne connaissons pas le sens exact.
C’est pour remédier à ce problème que le Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R) propose un rapport intitulé Le vocabulaire islamique : mots-clés du langage théologique religieux et politique de l’islam salafo-wahhabite.https://cf2r.org/recherche/le-vocabulaire-islamique-mots-cles-du-langage-theologique-religieux-et-politique-de-lislam-salafo-wahhabite/
Youssef Chiheb, son auteur, est « directeur de recherche (radicalisations islamistes et mutations du monde arabe) au CF2R. Spécialiste reconnu de l’islam politique, de l’islam de France, des problématiques urbaines (quartiers sensibles) et des mutations du monde arabe contemporain », il est fréquemment consulté par les médias francophones et arabophones. Il a écrit plusieurs livres et articles traitant des problèmes d’intégration, du communautarisme ainsi que de « la transition identitaire des Français issus de l’immigration. »
Dans son dernier ouvrage, Les théoriciens de l’islam radical, paru en octobre 2019, il analyse le discours d’une soixantaine de prédicateurs « salafo-wahhabites » qui distillent leurs prêches hostiles et subversifs en France.
Le Sénat français a créé une commission d’enquête sur les réponses apportées par les autorités publiques au développement de la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre, à la demande du groupe Les Républicains. En décembre 2019, cette commission a auditionné Youssef Chiheb sur le thème Combattre la radicalisation islamiste. Pour suivre l’exposé complet de Youssef Chiheb, voir la vidéo à la fin de cet article.
Ce répertoire de mots islamiques est né de la collecte de termes dont le Service central du renseignement territorial (SCRT) a pris note au cours de la surveillance de groupes radicalisés sur le territoire français. Son intérêt est de permettre à ceux qui l’utilisent de saisir le sens historique des termes employés dans ces milieux et de mieux appréhender les modes de pensée qui soutiennent la doctrine islamiste.
Ce document, d’un peu moins de quarante pages, est divisé en deux parties principales : Le contexte, où l’auteur situe l’importance présente et future de l’islam dans le monde, procède à un résumé de son histoire et fournit un développement détaillé du wahhabisme comme « carburant idéologique de l’islam radical ». Très éclairant !
Dans la seconde partie, le vocabulaire, il définit une quinzaine de catégories ayant leur vocabulaire spécifique. Ces catégories vont des noms et des termes les plus généralement acceptés dans l’islam aux catégories propres à l’islam politique et révolutionnaire. Ainsi, après avoir commencé par Les mots-clés de l’islam (Allah, Al Asmaoû al Hosna, Al Jahiliya, etc…), il poursuit avec Les références à l’islam politique, puis passe par le Référentiel juridique modélisé des salafistes pour arriver :
aux Cercles d’organisation des salafistes
aux Vêtements et accessoires des salafistes
à La littérature de base des salafistes
au Langage métaphysique des jihadistes
Dans la catégorie Littérature ayant un intérêt fort pour les jihadistes, Youssef Chiheb mentionne les revues radicales et jihadistes, les ouvrages radicaux de référence et les principaux idéologues du jihad.
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La dernière catégorie de ce glossaire est consacrée aux noms des mosquées en France. Sur ce point, il fait le commentaire suivant : « Au-delà de la signification religieuse, les noms des mosquées expriment une charge émotionnelle, théologique et politique qui, en soi, est un vecteur de prosélytisme. Et il ajoute une remarque qui en dit long sur l’influence de pays étrangers sur l’islam en France : « Souvent, les noms des mosquées les plus signifiantes ou les plus prestigieuses, sont choisis par les États du Maghreb, de la Turquie ou de l’Arabie. Les associations locales ou le CFCM (Conseil français du culte musulman) ne font qu’entériner ces décisions d’ordre politique.
Concis et bien conçu, ce rapport devrait devenir un outil de référence indispensable à tous ceux qui – journalistes, personnels politiques ou observateurs attentifs de l’actualité – tentent de cerner la problématique de l’islam « suprémaciste ».