Fallait-il inscrire dans la Constitution l’interdiction de dissimuler son visage? En mars 2021, le peuple suisse a majoritairement approuvé l’initiative qui le demandait. Les Conseils du Réseau évangélique suisse et de la Schweizerische Evangelische Allianz (SEA-RES), décrivent ici les principaux enjeux de ce vote.
1. Culture
Dans la culture suisse, masquer son visage, en dehors de situations exceptionnelles telles que les défilés déguisés ou lorsqu’on se protège du froid, n’est pas habituel. Il est également considéré comme un obstacle à des relations interpersonnelles ouvertes.
2. Identité
Le visage est un élément essentiel de la personnalité et de la communication d’un individu. Montrer son visage de manière transparente, c’est non seulement donner un accès à l’identité de la personne, mais permet aussi par exemple de percevoir ses émotions.
3. Sécurité
La dissimulation du visage comporte également un aspect sécuritaire, puisque ne pas voir le visage d’une personne complique son identification et pourrait suggérer qu’elle envisage de commettre un méfait (vol, dégradation, attaque, etc.), àvisage couvert.
4. Egalité des sexes
Le port du voile intégral préconisé par certaines interprétations de l’islam et visé indirectement par loi, entre en conflit avec une valeur fondamentale de notre société –l’égalité des sexes –, puisqu’il ne concerne que les femmes et présente ainsi un aspect que l’on pourrait qualifier de discriminatoire. En cas d’adoption de la loi, le risque pour les femmes liées par une telle pratique de l’islam sera toutefois de ne plus être autorisée à sortir de chez elles.
5. Liberté religieuse
Dans les cas où la dissimulation du visage découle d’une conviction religieuse, elle est à considérer comme faisant partie intégrante de la liberté religieuse de la personne. Cette liberté peut néanmoins être limitée dans certains cas de figures. C’est ce qu’a affirmé en 2014, la Cour européenne des droits de l’Homme, dans une affaire concernant une loi similaire en France, en jugeant que cette restriction était légitime et proportionnelle, en raison de la nécessité de protéger le «vivre ensemble».
6. Islam
Une interprétation radicale de l’islam considère que l’ensemble du corps de la femme et son apparence ont une connotation sexuelle qui peuvent faire naître chez les hommes qui n’appartiennent pas à son cercle familial des «fantasmes » susceptibles de conduire à des comportements inappropriés. Le voile intégral fait partie d’une stratégie extrême visant à éviter tout «dérapage» sexuel (infidélité, etc.). Elle reflète un système sociétal fondé notamment sur la soumission de la femme à l’homme. Cette interprétation de l’islam a notamment été mise en avant par les Frères musulmans et propagée dans le monde grâce aux pétrodollars saoudiens.Dans ce cadre, elle est un instrument de combat au service d’une idéologie islamiste en opposition avec les valeurs démocratiques et les Droits de l’Homme.
Comparer avec La loi interdisant la dissimulation du visage dans l’espace publique (en France)
Voir aussi Voile intégral: obligation religieuse ou symbole politique?
7. Fédéralisme
La question religieuse étant avant tout cantonale, on peut se poser la question de savoir s’il est légitime de trancher le débat au niveau national. Certains cantons, qui bénéficient du tourisme des pays du Golfe, préfèreraient que chaque canton puisse se déterminer lui-même, en fonction de son propre contexte. En fait, ils craignent que cette décision n’affecte leur économie. Toutefois, une décision au niveau national paraît plus cohérente qu’une série de décisions qui conduiraient à des régimes différents d’un canton à l’autre.
8. Un faux problème?
Le nombre de femmes portant un voile intégral en Suisse est extrêmement faible et semble à l’heure actuelle ne concerner que des touristes de passage. Serions-nous face à un débat idéologique sans véritable pertinence par rapport à la réalité quotidienne de notre pays? Compte tenu du fait que la dissimilation publique du visage de l’individu va à l’encontre de certaines de nos valeurs fondamentales et qu’elle comporte aussi des enjeux sécuritaires, les Conseils duRéseau évangélique suisse (SEA-RES) estiment que l’interdiction de dissimuler son visage dans l’espace public est acceptable.
On peut regretter toutefois la création d’une loi pour des situations qui restent relativement exceptionnelles et un comportement qui concerne essentiellement des touristes de passage. Cette position n’est pas motivée par une volonté de discriminer ou de stigmatiser un groupe de population. Au contraire, nous souhaitons que le débat sur cette question puisse se dérouler dans le plus grand respect de chaque personne et de sa liberté religieuse, que l’on soit d’accord ou non avec ses orientations théologiques et spirituelles.