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Religion et vie publique

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5 décembre 2018

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En Europe, on assiste au repli identitaire de certains musulmans en réponse aux discours des partis de droite dure. Mais le regard posé sur eux tend à ne rien voir sinon leur religion. Comment résister à ce mouvement de polarisation malsain et continuer d’affirmer qu’il est possible de vivre ensemble?

A ce problème, Stéphane Lathion suggère[1] une solution: ne plus parler d’islam et de musulmans. Si cet appel à ne pas réduire les personnes à leur religion est pertinent, le moyen d’y parvenir le paraît beaucoup moins.

Des faits problématiques

Quand la Fondation Thomas Reuter nous apprend, dans un de ses rapports, que quatre des cinq pays les plus concernés par les violences faites aux femmes sont musulmans, il est naturel de se demander s’il existe un lien entre cette situation et les enseignements de l’islam. Quand on entend comment l’islam traite ses apostats ou comment, certains pays musulmans persécutent ou contraignent les non-musulmans, chrétiens en particulier, à vivre en citoyens de seconde zone, notre conscience se révolte.

Ces faits, et bien d’autres, sont accablants et font un tort considérable à beaucoup de musulmans paisibles et parfaitement intégrés. Faut-il pour autant ne pas les aborder et éviter de poser des questions ? D’une certaine façon, cela revient à demander s’il faut parler des cas de pédophilie dont l’Eglise catholique doit actuellement répondre. Ou fallait-il parler du cas de Terry Jones, ce pasteur évangélique qui, il y a quelques années, a finalement mis à exécution sa menace de brûler un Coran ?

Dans un monde où l’information fait le tour de la terre en une seconde, n’importe qui peut instantanément devenir la cible de moqueries ou d’attaques parce que des représentants de sa religion ont commis des fautes graves. Mais dans le cas des musulmans, s’agit-il simplement d’amalgame et de malveillance de la part des non-musulmans ? Ou s’agit-il de reconnaître que l’islam pose des problèmes auxquels les musulmans devraient trouver des réponses?

Lire aussi: La conception musulmane de l’homme et Qu’est-ce que la liberté religieuse?

Si donc le vivre ensemble ne peut poser comme condition de s’abstenir d’évoquer ce qui fait problème dans la religion de mon voisin, sur quoi pourrait-il se fonder? Dans le contexte actuel, il me semble que nos relations sociales gagneraient en sérénité et en respect mutuel si nous prenions au sérieux trois des propos les plus connus de Jésus.

« Aimez vos ennemis »[2]

Martin Luther King a clairement souligné que le vrai moteur de la transformation d’une société est de résister à l’injustice tout en cherchant à libérer de leur captivité morale ceux qui incarnent cette injustice. Que sa démarche n’ait pas fait l’unanimité dans la communauté noire américaine est directement lié au fait que d’autres ne partageaient pas ses convictions spirituelles. Mais MLK a obtenu l’abolition de maux dont a bénéficié l’ensemble de la nation, Noirs et Blancs confondus.

« Faites aux autres ce que vous voudriez qu’ils fassent pour vous »[3]

Dans nos sociétés où la recherche de leurs intérêts et la défense de leurs droits motivent les individus, concevoir de modérer ces priorités choque. Chercher à comprendre l’autre comme je souhaite être compris de lui, défendre sa dignité sans rien renier de la mienne, tout cela constitue un vrai défi moral et spirituel.

Mais le gain est considérable : au lieu de trouver dans les convictions religieuses d’une personne un motif d’exclusion, on s’attache à découvrir ce qu’elle est en elle-même.

« Mon Royaume n’est pas de ce monde »[4]

Il est particulièrement significatif que Jésus ait prononcé ces paroles lors de son procès. Alors que la foule demandait sa mise à mort, il a choisi de ne pas user de sa puissance pour lui échapper. Dans ce cadre, son affirmation signifie que ce royaume est de nature spirituelle et s’établit de manière spirituelle. Il n’a rien à voir avec la puissance de l’argent, les forces de police, les intrigues politiques ou la coercition psychologique. Il est simplement constitué de ceux qui en acceptent librement le message et en vivent.

Dans un monde où la religion fait trop souvent l’objet d’instrumentalisations politiques, il est urgent que chacun refuse absolument de laisser politiciens et leaders religieux faire référence à une foi quelconque dans le but de dresser un segment de la population contre un autres. Aucune religion n’a vocation à contrôler politiquement un pays. Mais pour échapper à cette tentation de toujours, chacun doit reconnaître le piège de pratiques religieuses mécaniques, ritualisées, et rechercher une spiritualité vivante qui fasse accueil à l’autre.

Comme l’a dit John Stott dans un de ses livres, « Notre Dieu est souvent trop petit parce qu’il est trop religieux ».

Regarder cet excellente analyse d’Olivier Abel sur La place de la religion chez Nicolas Machiavel.

Notes

[1] Des millions d’individus réduits à une étiquette: ‘musulman' », Le Temps, 6.9.2011

[2] Évangile de Matthieu 5.43-45 : « Vous avez appris qu’il a été dit : ‘Tu aimeras ton prochain et tu haïras ton ennemi’. Eh bien, moi je vous dit : Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent. Ainsi vous vous comporterez vraiment comme des enfants de votre Père céleste, car lui, il fait luire son soleil sur les méchants aussi bien que sur les bons, et il accorde sa pluie à ceux qui sont justes comme aux injustes ».

[3] Évangile de Matthieu 7.12 : « Faites pour les autres tout ce que vous voudriez qu’ils fassent pour vous, car c’est là tout l’enseignement de la Loi et des prophètes ».

[4] Évangile de Jean 18.36 : « Mon royaume n’est pas de ce monde. Si mon royaume appartenait à ce monde, mes serviteurs se seraient battus pour que je ne tombe pas aux mains des chefs Juifs. Non, réellement, mon royaume n’est pas d’ici ».

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