L’islam à l’épreuve : le titre de ce livre a de quoi surprendre. Se peut-il que l’islam soit traversé par des questionnements et des doutes ? Le fait est que l’assurance apparente des musulmans les plus radicaux ne dissimule pas un malaise. Selon son auteur, l’islam est en effet soumis au test de la mondialisation, de l’islamisme et du christianisme.
Vivre sa foi au sein d’une majorité musulmane
Chawkat Mouccary a déjà écrit de nombreux livres comparant islam et christianisme. Mais, de tous, celui-ci est sans doute le plus personnel. Né en Syrie, dans une famille chrétienne, il s’est toujours souvenu que les Croisés, vaincus par Saladin, avaient mené leurs guerres « au nom du Prince de paix ». Cette contradiction l’a particulièrement sensibilisé au fait qu’étant chrétien dans un lycée public à majorité musulmane, il avait un témoignage spécifique à rendre auprès des musulmans par sa vie et ses paroles. C’est au cours de ces années de lycée qu’il a « appris à entrer en dialogue missionnel avec des amis musulmans ». Tout son livre porte l’empreinte de cette expérience primordiale.
L’islam à l’épreuve part d’un constat. Aujourd’hui, cette religion est soumise au test de la mondialisation (une multitude d’influences étrangères s’exercent sur les musulmans), de l’islamisme (un courant de l’islam qui prétend restaurer son authenticité), et du christianisme (pour les musulmans vivant au contact de chrétiens en Occident).
Une religion à visage multiple
Dans la première partie de son ouvrage qui en compte deux, C. Mouccary brosse pour le lecteur non-averti le portrait d’« une religion à visage multiple ». En effet, l’islam est à la fois « révélation d’Allah », communauté de foi et loi régissant cette communauté.
Il s’arrête sur plusieurs aspects particulièrement significatifs. Dans Islam et laïcité (p 76ss), il rappelle que la laïcité repose sur la séparation des pouvoirs politiques et religieux. C’est ainsi qu’elle garantit la liberté religieuse de chacun. Il suggère au passage que les musulmans devraient saisir l’occasion qu’elle leur offre de « reconsidérer certains enseignements de la charia (p 78). Il aborde également la question controversée de l’islam radical, en faisant l’inventaire de ses racines religieuses et non-religieuses. Puis il conclut ce segment en abordant la violence dans une perspective chrétienne (p 101). Dans l’histoire, les « chrétiens » ont eux aussi usé de violence. La différence avec le djihad armé de l’islam, c’est qu’ils n’ont jamais pu la justifier au nom de Christ.
Dans le chapitre Islam : questions d’actualité qui clôt la première partie (p 105-126), l’auteur répond aux questions courantes que suscite l’islam. D’abord sur ses rapports avec les communautés chrétiennes (Terrorisme, Persécutions, Mariages mixtes). Ensuite, sur ses rapports avec la France (Ce que le gouvernement français peut attendre des citoyens musulmans et Ce que les musulmans peuvent attendre du gouvernement). Enfin, sur l’islam dans le monde (Les raisons de son succès ? Est-il un danger pour la civilisation occidentale ? Est-ce une religion de paix ? etc.). Ce chapitre clarifie de nombreux points qui génèrent souvent inquiétudes ou hostilité envers les musulmans.
Lire: L’européanisation de l’islam de crise et Oui, l’islam est en crise. Non, la France n’aide pas à la résoudre
Islam et christianisme
La seconde partie du livre, Islam et christianisme, comporte également cinq chapitres. Les trois premiers abordent respectivement le point de vue musulman sur la Bible, sur la personne de Jésus et sur la nature de Dieu. S’appuyant sur des citations du Coran, du Hadith et des commentateurs classiques musulmans, ils présentent les enseignements de l’islam sur chacun de ces points. Informé, le lecteur peut ensuite d’autant mieux apprécier la pertinence de l’exposé biblique sur ces mêmes sujets. Le quatrième chapitre applique la même méthode à la question du pardon dans l’islam et le christianisme.
Cette seconde partie se termine, comme la première, par un chapitre qui nous ramène à des considérations pratiques. Il évoque les croyances et les valeurs que chrétiens et musulmans ont en commun. Islam et christianisme ont en effet des conceptions irréconciliables de la révélation, de Jésus et de la personne de Dieu. Cependant, chrétiens et musulmans partagent la même humanité et un certain nombre de valeurs. Dans le respect de leurs différences, l’auteur suggère qu’ils ont de très bonnes raisons de s’unir pour défendre le « bien » de la société.
Chawkat Mouccary est un homme de paix. Il a acquis une compréhension lucide de l’islam tout en maintenant fermement les enseignements bibliques que cette religion conteste. Il y a beaucoup à apprendre de son approche respectueuse et bienveillante envers les musulmans. Mais il n’aborde pas la question de l’hostilité de l’islam envers les non musulmans.
Les propos haineux du Coran
La première caractéristique que l’auteur reconnaît à l’islam est d’être « abrahamique » (p 31). Or il y a une différence fondamentale entre l’Abraham biblique et celui que présente le Coran. Dans la Bible, il est source de bénédiction pour toutes les nations (Ge 18.18 ; 26.4 ; Ps 72.17 ; Actes 3.25). Dans le Coran, il instaure la haine et l’inimitié envers les nations non musulmanes (Sourate 60.4 cf S 5.51 et 60.1).
Cette haine se concrétise dans les passages du Coran qui qualifient Juifs et chrétiens d’animaux malfaisants, de chiens, de souillures et de pires créatures (S 98.6 ; 9.28). Dans les mosquées, en France comme en pays musulmans, ces passages sont enseignés et les enfants doivent les mémoriser. Cette haine vise aussi les musulmans qui ont abandonné l’islam et que leurs pays emprisonnent ou condamnent à mort.
Le statut de « dhimmi », que le droit islamique qualifie de privilège exclusif du « Peuple du Livre », n’était avantageux que dans la mesure où le sort des païens, que les musulmans pouvaient mettre à mort sans se rendre coupable d’un crime, était pire. En dépit de ce « statut privilégié », le Coran ordonne de combattre les Juifs et les chrétiens jusqu’à ce qu’ils acceptent la domination de l’islam et consentent à leur état de sujets de seconde classe (Sourate 9.29). Page 63, l’auteur précise cependant que l’Empire ottoman a aboli le statut de « dhimmi » en 1855, et qu’il n’est « plus en vigueur dans les pays musulmans, dont beaucoup de lois sont d’inspiration européennes ». Ses traces n’ont néanmoins pas disparu pour autant.
À la page 200, on lit que Malgré les critiques d’ordre théologique formulées à l’encontre des chrétiens, le Coran leur porte un regard plutôt favorable. Le texte de Sourate 5.82 vient en support de cette affirmation. Tu trouveras que les amis les plus proches des croyants (les musulmans) sont ceux qui disent : ‘Nous sommes chrétiens’. Il y a parmi eux des prêtres et des moines, et ils ne sont pas orgueilleux ». Mais au verset suivant, on découvre qu’il s’agit de chrétiens convertis à l’islam. Cela réduit substantiellement la portée bienveillante du v 82.
Appel à aimer inconditionnellement
Chawkat Mouccary insiste avec raison sur le fait que, pour le chrétien, l’amour inconditionnel est la meilleure réponse à l’islamisme (p 215-222). Mais concrètement, le problème réside moins chez les islamistes que dans les textes fondateurs de l’islam qui font autorité pour les musulmans. Et comme le Coran, selon la doctrine musulmane, est « incréé » – il émane de Dieu sans interférence humaine – il n’est pas envisageable d’abroger ces textes.
En dépit de cela, il est important de signaler qu’il existe quelques beaux exemples de coopération. Ils montrent que, sous certaines conditions, chrétiens et musulmans peuvent vivre ensemble dans le respect mutuel.
Lire à ce sujet : Humanitarian Islam and the Ethics of Religious Freedom et Préserver le droit de nous convertir les uns les autres
Comme le rappelle ce livre, il subsistera cependant toujours des points fondamentaux sur lesquels buttera le dialogue entre chrétiens et musulmans parce que la foi des uns n’est pas réductible à celle des autres. C’est face à ces vraies difficultés que l’amour, tel que Christ l’a incarné, prend tout son sens pour les chrétiens.
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