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Le « Grand Maître du jeu d’échecs »

Le « Grand Maître du jeu d’échecs », Andrew Brunson en est convaincu, est intervenu pour sa libération. Ce troisième article conclut le témoignage qu’il a donné de son emprisonnement en Turquie.

Je considère qu’il y a une histoire parallèle à toutes les intrigues et manœuvres politiques occasionnées par mon arrestation. Dieu est le « Grand Maître du jeu d’échecs ». Le gouvernement turc m’a pris deux années de ma vie. Mais Dieu a racheté ces deux années qui ont été très douloureuses pour moi. Il a pris ce qui était conçu pour me nuire et s’en est servi pour le bien.

Il a racheté ce temps pour moi d’abord. Pendant mon internement, je suis passé par des temps de questionnement et de doute. J’avais des pensées suicidaires. J’étais brisé mais Dieu m’a reconstruit. Lorsque je suis sorti de prison, je suis sorti avec une foi qui avait été testée et prouvée vraie. C’était très important pour moi.

« Si Dieu n’était pas intervenu, je serais encore prisonnier en Turquie ».

Bénir plutôt que maudire

Ensuite, bien involontairement, ma situation est devenue un amplificateur de prière. Des millions de gens dans le monde ont prié pour moi. Un vrai tsunami de prières a touché la Turquie. Erdogan m’a mis en prison, mais Dieu s’est servi de cela. Je crois que c’était le service que Dieu m’a confié pour ce temps. Nous avons toujours cherché la bénédiction de la Turquie et je crois qu’elle viendra sur ce pays.

Liberté religieuse en Turquie

Je voudrais maintenant parler de la liberté religieuse. Comparé à d’autres pays de la région, il y a plus de liberté religieuse en Turquie (du fait que c’est encore une République laïque). La plupart des difficultés que rencontrent les chrétiens viennent de leur famille, de leur entourage et de la police locale (mais pas directement de l’Etat, sauf dans le cas présent) . On les menace. On cherche à les intimider sur leur lieu de travail. Ils peuvent perdre leur travail ou leur conjoint demander le divorce parce qu’ils sont regardés comme des traîtres.

Les pasteurs reçoivent des menaces et les tensions se sont accrues. La Turquie est un pays musulman depuis longtemps, mais Erdogan a très clairement pris un virage islamiste, une orientation qui s’est affirmée au cours des années passées et qui s’est intensifiée après la tentative de coup d’État de 2016. Erdogan a déclaré qu’être Turc, c’est être musulman. Cela montre bien ce qui est acceptable pour les Turcs.

Pressions islamistes

Il y a donc eu une campagne de propagande dont j’ai été la cible et qui me présentait comme un traître qui hait les Turcs et cherche à détruire le pays. À travers ces attaques, ce sont tous les chrétiens du pays qui étaient désignés comme une menace pour le pays. Les discours de haine se sont intensifiés avec mon cas et ont été alimentés par les médias avec le soutien du gouvernement.

En Turquie, ces discours sont très dangereux. Ils ont conduit à des atrocités dans le passé. Il y a donc une tension accrue. Le contexte est maintenant tel que s’il y a des violences contre les chrétiens, les Turcs, dans leur majorité, sont conditionnés à considérer qu’ils le méritent. La Turquie a opté pour l’islamisme, de nombreuses écoles islamistes ont été créées, le gouvernement donne la préférence aux étudiants sortant de ces écoles dans le système universitaire.

Sous l’impulsion de Erdogan, le rapprochement de l’islam et des courants nationalistes s’accélère. Il a déclaré qu’en 2023, cent ans après l’établissement de la République de Turquie par Atatürk, il voulait avoir restauré un État musulman et être le leader du monde sunnite. On assiste à l’émergence de l’esprit ottoman avec, comme objectif, la montée de l’islam radical. La Turquie cherche à exercer une influence dans les Balkans et en Afrique en promouvant la construction de mosquées dans de nombreux pays afin de retrouver l’influence qu’exerçait l’Empire ottoman dans le passé.

Rêve prémonitoire ?

A cet égard, je voudrais parler d’un rêve que j’ai eu en prison et que je crois venir de Dieu. Cela ne m’est arrivé que quelques fois dans ma vie. Je venais juste d’être incarcéré dans le quartier de haute sécurité, en 2016. Une nuit, j’ai eu un rêve très fort où la Turquie, la Russie et l’Iran concluaient une alliance au caractère mauvais. Je me suis réveillé couvert de sueur et saisi par la peur. J’ai alors pensé que si cette alliance était conclue, l’Occident n’aurait plus guère moyen de faire pression en ma faveur et que je risquais de rester en prison pour le reste de mes jours.

La période où j’ai eu ce rêve est importante parce qu’elle le rend crédible. La Turquie et l’Iran ont été historiquement ennemis. La Turquie et la Russie ont également une longue histoire de conflits. Lorsque j’ai eu mon rêve, les Turcs venaient d’abattre un chasseur russe. Les Russes ont répliqué en imposant des sanctions qui ont atteint l’économie turque. Ils ne s’entendaient pas du tout et, dans la guerre de Syrie, ils défendaient des fronts opposés. Je me suis donc dit qu’une telle alliance était complètement contre-intuitive et qu’elle ne faisait aucun sens.

Quelque temps plus tard, j’ai rencontré un conseiller américain, puis un diplomate américain de haut niveau, bon connaisseur de la Turquie, à qui j’ai raconté mon rêve. Mais le diplomate m’a répondu : « Cela n’arrivera jamais. Ce n’est pas du tout dans l’intérêt de la Turquie de prendre ses distances vis-à-vis de l’Occident et de conclure ce genre d’alliance ». Je lui ai répondu qu’effectivement, cela ne semblait pas aller dans le sens des intérêts de ce pays, mais que c’était ce que Dieu m’avait montré.

Trois ou quatre jours après avoir eu ce rêve, un policier turc a assassiné l’ambassadeur russe en Turquie. Cela aurait dû provoquer un froid entre Erdogan et Poutine. Mais cela a eu exactement l’effet inverse. Ils ont commencé à se rapprocher et on les a vus s’acheminer vers une possible alliance qui semble n’avoir aucun sens.

La dimension manquante

Une des raisons pour lesquelles les analystes et les services secrets occidentaux n’envisagent pas la possibilité d’une telle alliance tient au fait qu’ils ne croient pas que des puissances spirituelles interfèrent dans les affaires du monde. Pour eux, ces forces n’existent pas et une telle alliance ne se fera pas. Mais je crois que ce que Dieu m’a montré est vrai et que les événements de ces dernières années indiquent un rapprochement entre ces pays.

Ce qui ressort de tout cela, c’est que personne n’est directement responsable de l’éloignement de la Turquie. Aux États-Unis, certains se demandent ce qui s’est passé pour que nous perdions la Turquie. Qu’a-t-on fait pour les inciter à prendre leur distance ? En quoi les a-t-on offensés ? Que pouvons-nous faire pour les ramener à nous, en sorte que la relation soit apaisée ?

À mon avis, on ne peut rien faire pour les ramener. Ils ne s’en vont pas parce que nous les avons offensés mais parce que Erdogan est un islamiste, qu’il a d’autres plans et qu’il y a des forces spirituelles qui le poussent à s’éloigner. Rien de ce que nous pourrions entreprendre ne ramènera Erdogan.

Etre politiquement lucide vis-à-vis de la Turquie

Cela aura évidemment des implications sur les relations des Occidentaux avec la Turquie. Je pense que les persécutions contre les chrétiens vont augmenter. La situation va empirer avant de s’améliorer. Et je voudrais surtout recommander qu’en termes de libertés religieuses, nous ne prêtions pas trop attention à ce que le gouvernement turc dit mais à ce qu’il fait. Au Moyen-Orient, en général, les gens ne disent pas ce qu’ils ont réellement l’intention de faire.

Je voudrais aussi souligner l’importance du principe de réciprocité. La Turquie paie les salaires de beaucoup d’imams en Allemagne à qui le gouvernement accorde des visas pour travailler. Dans le même temps, bien des pasteurs allemands qui travaillaient pour des Églises turques ont été renvoyés du pays. Il n’y a donc pas de réciprocité. Face à cette inégalité de traitement, le gouvernement allemand répond qu’il ne veut pas exercer de pression sur la Turquie pour éviter de l’offenser et risquer de perdre une relation très importante. Personnellement, je doute que le gouvernement turc soit aussi soucieux de ne pas offenser les gouvernements étrangers.

Lire également La bataille des imams d’Allemagne


Tous les articles de cette série :

  1. Andrew Brunson, menace pour l’Etat turque? 
  2. L’homme qui a fait trébucher la Bourse d’Istanbul 
  3. Le « Grand Maître du jeu d’échecs »

Source: European Centre for Law & Justice.

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