Islam, menace de guerre ou promesse de paix ? Comment sortir du sentiment de profonde confusion que produisent les messages contradictoires des musulmans sur leur religion et ses nombreuses manifestations violentes ?
Republication: cet article est paru sur ce site en novembre 2018
Dans son exposé, Alexandre del Valle a mis en lumière le fait que derrière les manifestations très médiatisées de l’islam, il y a une stratégie assumée. Il s’agit de conquérir le monde en trois étapes. D’abord, réislamiser les pays musulmans en luttant contre les apostats et les traitres laïques. Ensuite, reconstituer le califat en réunifiant la « Oumma ». Enfin, islamiser la Planète, par le djihad soft (discours, mensonge de guerre ou djihad juridique) et le djihad guerrier (terrorisme djihadiste).
Les forces en présence
Quelles sont les forces disponibles pour réaliser ce grand idéal ? Six ‘pôles’ distincts et souvent en compétition ou en conflit les uns avec les autres s’y consacrent. Au sein du monde sunnite, il y a l’Arabie Saoudite, grand promoteur du wahhabisme à travers son financement de grandes mosquées dans le monde. Les Frères musulmans et le Qatar, défenseurs d’un islam politique agissent sur la société à travers ses centres islamiques et ses écoles. Quant au pôle indo-pakistanais, avec les Talibans et les Tabligh, constitue le plus puissant mouvement missionnaire musulman dans le monde. Côté chiite, on est en franche opposition et rivalité géopolitique avec le monde sunnite. A partir de 1979, l’Iran des Mollahs a été la première à propager un islam revendicatif et révolutionnaire lors de la révolution iranienne de Khomeiny.
Des stratégies complémentaires
Dotées de ressources financières énormes – cent milliard de dollars pour la seule Arabie Saoudite – les différentes obédiences de l’islam sunnite ont progressivement élaboré une stratégie en ciseau. D’abord, les islamistes révolutionnaires exaltent une vision radicale de l’islam qui tranche avec l’islam populaire et appellent les musulmans vivant en Occident à se dissocier de leurs sociétés d’accueil. Ceux que del Valle appelle « les coupeurs de têtes » se sont ainsi attelés à revivifier l’islam par un enseignement rigoriste et à lui rendre son prestige originel en mobilisant des jeunes séduits par l’idée d’oeuvrer à l’instauration d’un califat mondial.
Dans le même temps, des musulmans « modérés » interviennent pour dénoncer les « violences terroristes ». Ils expliquent que l’islam « authentique » est en réalité une religion de paix et d’amour. Elle n’a aucune part dans ces « actes barbares ». Puis « les coupeurs de langues » passent à l’action pour éteindre toute critique. Ils accusent de racisme, d’islamophobie et d’insultes à la religion tous ceux qui établissent le lien entre les enseignements des textes fondateurs de l’islam et les violences djihadistes.
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Occident, boulevard de l’islam?
Certains pourraient douter du succès d’une stratégie si facile à percer à jour. Mais plusieurs facteurs confèrent à cette approche une très grande efficacité dans les sociétés occidentales. Premièrement, elle bénéficie de l’ignorance très généralisée des milieux politiques et académiques européens au sujet des enseignements fondamentaux de l’islam. L’étude de l’islam est en effet devenu le parent pauvre de bien des programmes universitaires. Deuxièmement, les Frères musulmans ont infiltrés les milieux politiques, académiques et médiatiques. Ils influencent le cours des décisions au plus haut niveau des Etats. Le Président Obama n’avait pas moins de six conseillers issus du Council on American–Islamic Relations (CAIR), émanation des Frères musulmans aux Etats-Unis. Enfin, des idéologues tels que Youssef Qaradawi, ont su adapter au contexte occidental la manière de mener le djihad. Au bénéfice d’une mansuétude certaines de la part des autorités qui se raccrochent à l’idée d’un “islam modéré”, et doté de subventions officielles pour former ses imams, le “djihad soft” prévaut sur son expression violente.
On arrive ainsi à un paradoxe remarquable. « Plus on tue au nom de l’islam plus on parle en bien de l’islam ». Plus une minorité cherche à mettre en garde contre le double langage des leaders musulmans plus il se trouve d’occidentaux pour délier l’islam de toute responsabilité. Cela qui revient, selon del Valle, à se soumettre avant même d’avoir combattu. Une attitude qu’il qualifie de « Syndrome de Stockholm antérograde ».
Une autre interprétation
La cause de cette démission ? Del Valle l’attribue à la « haine de soi » qui gangrène nos sociétés européennes depuis l’époque des indépendances. Mais cette « haine de soi » est-elle la raison fondamentale de cette démission? Est-ce le symptôme d’un doute profond qui a gagné une majorité d’Européens ?
Ici, je voudrais risquer une interprétation personnelle. La haine de soi caractérise le comportement de gens qui vivent avec un sentiment de culpabilité non résolu. Tout le mal qu’on reproche aux Occidentaux depuis des décennies trouve en eux un terrain réceptif. Il leur reste assez de valeurs chrétiennes pour s’ouvrir à la critique mais pas assez de foi pour obtenir leur rédemption et comprendre les motifs de leurs accusateurs.
Très clairement, les avancées de l’islam dans nos sociétés ne demandent pas qu’un réveil politique. Elles exigent une réponse fondamentalement spirituelle. Encore faut-il que la population revienne à son héritage biblique.
Pour poursuivre la réflexion
Alexandre del Valle
La stratégie de l’intimidation
Paris, Editions de l’Artilleur, 2018
Conférence d’Alexandre del Valle, Uni Mail Genève, 17 novembre 2018, organisée par l’Association Suisse Vigilance Islam (ASVI)