Le djihad, une prescription toujours en vigueur? C’est par le djihad que l’islam est parvenu à dominer et asservir des nations entières. Pour le musulman, il n’existe pas d’acte plus noble que celui-là. Mais est-il toujours d’actualité?
Bukhari rapporte ce Hadith : Quelqu’un a demandé au Prophète : « Ô messager d’Allah ! Qui est le meilleur parmi le peuple ? » Le messager d’Allah répondit : « Un croyant qui lutte dans le chemin d’Allah avec sa vie et ses biens. » (Sahih Bukhari, Livre du djihad, Hadith 2)
Ce hadith définit le djihad tel que Mahomet l’a conçu. Et comme le précise un second hadith, Mahomet a obtenu la victoire par la terreur qu’il suscitait. « J’ai été envoyé avec des paroles concises. On m’a donné la victoire par la terreur que je suscite dans le cœur des ennemis. Et pendant que je dormais, on m’a donné les clés des trésors de la Terre et on les a mises dans ma main. » (Sahih Bukhari, Livre du djihad, Hadith 122).
Le djihad constitue l’un des principes fondateurs de l’islam. En échange de l’engagement du croyant au combat, Allah lui promet le paradis s’il meurt. S’il survit, une partie du butin et des femmes prises aux peuples vaincus lui reviennent. C’est l’acte le plus noble que puisse accomplir un musulman. Et c’est par lui que l’islam, en moins d’un siècle de fulgurantes conquêtes, s’est constitué un empire allant des frontières de l’Inde à l’Espagne.
Pour comprendre précisément le djihad, il faut se référer au Coran, aux Hadiths (Paroles de Mahomet), à la Sirat (biographie de Mahomet) et au Tafsir (exégèse du Coran). Ils constituent la référence par excellence et font autorité tant pour les sunnites que les chiites. C’est à partir de ces sources que les théologiens musulmans des premiers siècles de l’islam ont défini le djihad.
Le djihad selon le Coran
Le prêche de l’imam Mojamed Tattaï illustre le rôle que le Coran joue dans l’enseignement donné aux musulmans sur le djihad. (Voir la vidéo en fin d’article)
Comment ce précepte a-t-il acquis sont sens définitif dans le Coran ? Au cours de la vingtaine d’année que dura la révélation coranique, son sens a évolué. Dans les dix premières années de la révélation, alors que les Mecquois persécutent Mahomet, il n’en est pas question. C’est une fois installé à Médine que le prophète en fait une prescription offensive : « Combattez les infidèles, jusqu’à ce qu’il n’y ait aucune association et que la religion appartienne entièrement à Allah » (Sourate2.193 et Sourate 8.39).
Dans ces versets, le terme « association » vise toute forme de culte rendu à une divinité autre qu’ Allah. Pour le Coran, les chrétiens sont des polythéistes qui associent le Père, le Fils et la Vierge Marie. Or, il condamne « l’association » comme un délit pire que le crime (Sourate 2. 191 et 217). Cette « agression contre Allah » justifie à elle seule, le caractère offensif du djihad, puisque le Coran ordonne de combattre et de tuer tous ceux qui associent d’autres divinités à Allah.
Parmi de nombreux passages, en voici deux qui précisent le sens spécifique que le djihad a acquis dans le Coran.
Sourate 2.216 : « Le combat vous a été prescrit alors qu’il vous est désagréable. Or, il se peut que vous ayez de l’aversion pour une chose alors qu’elle vous est un bien. Et il se peut que vous aimiez une chose alors qu’elle vous est mauvaise. C’est Allah qui sait, alors que vous ne savez pas.»
كُتِبَ عَلَيْكُمُ الْقِتَالُ وَهُوَ كُرْهٌ لَّكُمْ وَعَسَى أَن تَكْرَهُواْ شَيْئًا وَهُوَ خَيْرٌ لَّكُمْ وَعَسَى أَن تُحِبُّواْ شَيْئًا وَهُوَ شَرٌّ لَّكُمْ وَاللَّهُ يَعْلَمُ وَأَنتُمْ
لاَ تَعْلَمُونَ
A noter que ce verset n’utilise pas le terme « djihad » mais « qital ». Ce second terme spécifie qu’il est question de combattre dans le but de tuer l’ennemi tout en acceptant le risque de mourir dans ce combat.
Et pour bien préciser que cette prescription est valable en tout temps et tout lieu, Allah utilise exactement les mêmes termes que ceux qu’il a utilisé dans la même Sourate pour prescrire le jeûne du Ramadan :
Sourate 2 .183 : « Ô Croyants ! On vous a prescrit le jeûne comme on l’a prescrit à ceux d’avant vous peut-être seriez-vous pieux ! »
يَا أَيُّهَا الَّذِينَ آمَنُواْ كُتِبَ عَلَيْكُمُ الصِّيَامُ كَمَا كُتِبَ عَلَى الَّذِينَ مِن قَبْلِكُمْ لَعَلَّكُمْ تَتَّقُونَ
Aucun doute n’est donc possible. Si le jeûne du Ramadan est prescrit en tout temps et tout lieu, le combat l’est également.
Autre élément important. Le verset prescrivant le combat se termine ainsi : « Allah sait et vous ne savez pas ». Pour le croyant musulman, le sens de ce verset est clair. Allah lui commande de ne pas se poser de question parce que lui seul possède la connaissance. Il est par conséquent plus important pour le croyant d’aller combattre que de savoir ce qui justifie ce combat
Sourate 9.111 précise : « Certes, Allah a acheté des croyants, leurs âmes et leurs biens, en contrepartie Il leurs donne le Paradis. Ils doivent combattre dans le sentier d’Allah : ils tuent, et ils se font tuer. C’est une promesse authentique qu’Il a prise sur Lui-même dans la Torah, l’Évangile et le Coran. Et qui est plus fidèle qu’Allah à son Pacte (Engagement) ? Réjouissez-vous donc de l’échange que vous avez fait : Et c’est là une réussite suprême (un très grand succès) pour vous.»
إِنَّ اللَّهَ اشْتَرَى مِنَ الْمُؤْمِنِينَ أَنفُسَهُمْ وَأَمْوَالَهُم بِأَنَّ لَهُمُ الْجَنَّةَ يُقَاتِلُونَ فِي سَبِيلِ اللَّهِ فَيَقْتُلُونَ وَيُقْتَلُونَ وَعْدًا عَلَيْهِ حَقًّا فِي التَّوْرَاةِ وَالإِنجِيلِ وَالْقُرْآنِ وَمَنْ أَوْفَى بِعَهْدِهِ مِنَ اللَّهِ فَاسْتَبْشِرُواْ بِبَيْعِكُمُ الَّذِي بَايَعْتُم بِهِ وَذَلِكَ هُوَ الْفَوْزُ الْعَظِيمُ
Un examen détaillé de ce verset permet de relever ce qui suit :
- Allah achète au croyant son âme. Cette âme est le bien le plus précieux qu’il possède et Allah lui demande de la lui vendre. Il demande aussi au croyant de lui vendre les biens qu’il a obtenus par le travail de sa vie. En contrepartie, Allah lui promet un accès garanti au Paradis.
- Allah précise en quoi consiste pour le croyant la vente de son âme et de ses biens : il devra combattre dans le chemin d’Allah. Et pour qu’il n’y ait aucun doute sur la nature de ce combat, Allah précise que le croyant doit tuer et se faire tuer. C’est parfaitement explicite. Aucun doute n’est possible sur cette prescription. C’est la Parole d’Allah, et quiconque la déforme se désavoue lui-même.
- Pour souligner l’importance de cette prescription, Allah stipule que ces paroles sont prononcées dans le cadre d’une promesse à propos de laquelle Il s’engage lui-même. Les trois termes utilisés sont très forts : « la promesse qu’Il a prise sur lui-même en vérité» ! Le Coran affirme d’une manière solennelle qu’il s’agit d’une promesse qui engage Allah lui-même. Le verset spécifie que cette promesse a été faite dans les » trois livres révélés » : la Torah, l’Évangile et le Coran.
- Cette promesse a donc un caractère éternel. Si on fait observer aux musulmans qu’il n’existe aucun verset dans la Torah et l’Évangile qui prescrive aux fidèles de tuer et de se faire tuer pour Dieu, ils ont une réponse toute prête. Juifs et chrétiens ont falsifiés leurs livres en supprimant les versets rapportant cette promesse de Dieu. Ils maintiennent qu’Allah s’est engagé par cette promesse avant la création du monde. En effet l’islam, le Coran est considéré comme la « Parole incréée, explicite, éternelle et inaltérable de Dieu » (Sourate 43.2-5 et Sourate 26.192-195).
- La suite du verset pose une question d’importance capitale : « qui est plus fidèle qu’Allah à son pacte ou engagement ?» Il s’agit donc d’un pacte entre le Dieu de l’islam et ses fidèles.
- Dans sa dernière partie, le verset exhorte les croyants à se réjouir de ce contrat établi avec Allah parce qu’il symbolise la réussite suprême.
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Tirer les enseignements qui s’imposent
Force est de constater qu’en Sourate 2.216 et 9.111, les appels au combat ne sont pas liés à un contexte limité dans le temps et l’espace. Ces commandements ont un caractère éternel. Ils sont valables en tout lieu et tout temps. Ils font partie d’un pacte et d’une promesse éternelle d’Allah.
Un autre aspect rend ce verset particulièrement important. C’est le seul où Allah garantit au croyant l’entrée au Paradis sans avoir à subir le jugement ni l’épreuve du tombeau1. Et cet engagement de garantir le Paradis, Allah le prend avec la plus grande solennité. Mahomet lui-même n’avait pas une telle assurance et demandait à son entourage de prier qu’Allah lui pardonne ses péchés.
Au regard de ces deux textes, aucun théologien musulman ne s’aventurerait à soutenir qu’Allah a rompu son pacte et trahi sa promesse. De tels propos relèveraient du blasphème et de l’apostasie.
Pour conclure, voici un verset évoquant l’engagement de croyants fidèles au Pacte d’Allah : « Il est, parmi les croyants, des hommes qui ont été sincères dans leur engagement envers Allah. Certains d’entre eux ont atteint leur fin (en étant tués dans le djihad), et d’autres attendent encore ; et ils ne varieront jamais dans leur engagement. » (Sourate 33.23)
Ce verset confirme que la prescription du djihad comme combat dans le chemin d’Allah s’applique en tout temps et tout lieu. Cette prescription n’est pas liée à un contexte limité dans le temps et dans l’espace. Le Coran est on ne peut plus clair à ce sujet.
Ces versets militent donc en faveur d’un combat contre les ennemis de l’islam. C’est ce que comprennent tous les musulmans résolus à vivre l’islam en intégrant sa dimension conquérante. Les auteurs d’actes terroristes et la détermination des membres de l’Etat islamique à établir un califat mondial puisent à cette source. Pour eux, l’islam doit prévaloir sur toute autre religion dans le monde. La conquête passe par l’acte de « vendre » à Dieu âmes et biens pour que ce plan se réalise et gagner le paradis.
Note:
- 1Au moment de son enterrement, tout musulman est soumis à ce qui est appelé l’épreuve du tombeau : il doit répondre à un interrogatoire concernant ses péchés et subir le supplice que méritent ses péchés.