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Quelle image les musulmans ont-ils des chrétiens?

Quelle image les musulmans ont-ils des chrétiens. Celle de personnes qui présentent l’islam comme l’ennemi alors qu’eux « tolèrent » les chrétiens et les acceptent « sans préjugés ».

Qu’enseignent le Coran et la Tradition musulmane (hadith) à propos des chrétiens, de leur foi et de la Bible ? Qu’est-ce qu’un musulman « moyen » pense lorsqu’il rencontre un chrétien ? A-t-il une attitude positive envers lui ? Se montre-t-il hésitant ? Préfère-t-il s’éloigner ?

Mahomet n’ayant proclamé l’islam que dans le courant du VIIe siècle après J.-C., la Bible ne dit rien d’explicite sur l’islam. Les opinions que les chrétiens peuvent avoir sur le sujet découlent de leur compréhension générale de l’Écriture, ce qui conduit à une grande variété d’opinions et de positions sur l’islam, à la fois à l’intérieur et à l’extérieur des Églises chrétiennes.

Lorsqu’on reproche aux chrétiens de ne pas être assez ouverts au dialogue interreligieux avec les musulmans et de ne même pas s’attendre à trouver dans l’islam une partie de la révélation de Dieu et de la vérité, on oublie que les musulmans convaincus, eux-mêmes, n’accepteraient jamais une telle approche du dialogue.

Contrairement au chrétien qui doit se positionner par rapport à l’islam, l’image qu’a l’islam du christianisme et de la foi chrétienne est déjà relativement fixée. Elle est fixée en raison des textes coraniques qui, « révélés » après Christ, se prononcent sur les chrétiens et leur foi, des textes que la tradition islamique a repris et confirmés par la suite (hadith). Comme l’islam n’a pas connu son temps des « Lumières » – au sens européen du terme – et qu’il n’y a pas d’exégèse officielle critique ou d’analyse du Coran, il n’y a que peu d’espace pour une exégèse et une interprétation alternative du Coran et des traditions en tant que textes normatifs.

Le regard du Coran sur les chrétiens

Le Coran donne une image complexe des chrétiens et de leur foi. Nous savons que Mahomet a acquis une certaine connaissance du christianisme dans la péninsule arabique et en Syrie (et peut-être dans d’autres pays environnants) dans le cadre de son activité commerciale. Pour autant que nous le sachions, il n’a rencontré que des chrétiens célibataires – ermites et moines. Il semble ne pas y avoir eu d’Église dans la péninsule arabique en son temps.

D’après les quelques sources écrites dont nous disposons, aucune traduction complète de la Bible arabe n’était disponible de son vivant. Dans la péninsule arabique, les Églises chrétiennes utilisaient le syriaque, langue que les Arabes ordinaires ne pouvaient pas comprendre. De plus, la plupart des Églises, selon ce que rapportent les sources les plus anciennes, avaient des doctrines déséquilibrées. Certaines Églises en Syrie et en Abyssinie étaient monophysites. On y vénérait Marie comme la « mère de Dieu », ou on adhérait au courant nestorien du christianisme.

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La piété des chrétiens

Au début de sa prédication, Mahomet espérait beaucoup que chrétiens et Juifs le reconnaîtraient comme prophète de Dieu. Il considérait les deux religions plus développées que celles des Arabes « païens », et il acceptait Juifs et Chrétiens comme le « peuple du livre » (en arabe. ahl al-kitab). Il espérait aussi qu’ils le soutiendraient comme le prophète porteur d’une révélation destinée aux Arabes. Non seulement il reconnaissait Juifs et Chrétiens comme « peuple du livre », mais il commença par prescrire une forme de jeûne comparable à celui des Juifs et enseignait à faire la prière rituelle dans la direction de Jérusalem. Plus tard, d’autres « révélations » abolirent ces deux pratiques.

À ses débuts, Mahomet louait la piété des chrétiens, leur amour, leur humilité, leur foi, ainsi que le rappelle la Sourate 5.82 :

« Et tu trouveras que les plus disposés à aimer les croyants (musulmans) sont ceux qui disent : ‘Nous sommes chrétiens’. C’est qu’il y a parmi eux des prêtres et des moines, et qu’ils ne s’enflent pas d’orgueil. » (5:82).

Probablement à peu près à la même époque, le Coran nous dit que les chrétiens croyaient en Dieu et au Dernier Jour et qu’ils n’avaient aucune raison d’avoir peur du Jugement dernier (6:62), ce que confirme la sourate 3:110 : « Certains d’entre eux sont des croyants », bien que, dans la phrase suivante, on puisse lire : « mais la plupart d’entre eux sont des pervers ». Il faut noter que ce verset considère aussi que les musulmans occupent un rang supérieur à tout autre groupe :

« Vous êtes la meilleure communauté qu’on ait fait surgir pour les hommes. Vous enjoignez la bonne conduite et interdisez l’indécence ; et vous croyez en Allah. » (3:110)

Cette déclaration concernant la « meilleure des communautés » (arabe. kuntum haira ummatin) – la communauté des musulmans – est une composante importante de l’identité du musulman convaincu, en particulier en relation avec les non-musulmans.

Le Coran affirme en outre que les chrétiens ont essayé de convertir Mahomet au christianisme (2:135), ce à quoi il a répondu en les appelant à devenir ses disciples, puisqu’il prétendait être l’«interprète» de leurs Écritures (5:15) et celui qui corrige ce qu’ils ont falsifié. Mais Juifs et chrétiens refusèrent (2:111).

La désapprobation des chrétiens à l’égard de Mahomet

Après 622, Mahomet a continué à prêcher à Médine et la relation islamo-chrétienne a buté sur les désaccords théologiques qui les séparaient. Le prophète a alors pris en aversion les chrétiens et, dans le même temps, s’est activement opposé aux trois grandes tribus juives de Médine qu’il a expulsées ou massacrées. Il était convaincu de ne pas apporter une nouvelle révélation, mais de proclamer sous une forme pure le seul message qui ait jamais été envoyé, le message prêché par tous les prophètes depuis Adam. Les chrétiens ayant rejeté sa prétention d’être un prophète de Dieu, et leur message ne concordant pas avec le sien, Mahomet les a accusés de falsifier l’Écriture. Il s’est opposé aux dogmes chrétiens qui s’écartaient de ses révélations, convaincu que sa prédication correspondait au message original de Dieu.

L’un des reproches les plus importants que Mahomet ait fait aux chrétiens concerne la Trinité (2:116; 5:73), qu’il a comprise comme la « trinité » du père, de Jésus-Christ, le fils, et de Marie, sa mère. Pour les musulmans, cette doctrine est le plus grand péché possible, l’offense impardonnable du « shirk » (ce qui signifie associer un partenaire à Dieu). D’après lui, les chrétiens erraient dans leur compréhension de la filiation de Jésus (5:72; 9:30) puisque Jésus, selon le Coran, n’est qu’un être humain, un prophète et un messager de Dieu envoyé à Israël. Les chrétiens se trompaient également à propos de la crucifixion de Jésus 84:157-158 et de leur doctrine de la chute.

C’est peut-être à cette époque d’éloignement croissant d’avec les chrétiens que Mahomet a déclaré avoir reçu un verset du Coran que les groupes fondamentalistes musulmans citent souvent aujourd’hui. Ce verset qualifie ouvertement les chrétiens de « méchants » ou de « malfaisants » et met en garde les musulmans contre le fait de les prendre pour amis :

« O vous qui croyez ! Ne prenez pas les Juifs et les Chrétiens pour des amis. Ce sont des amis les uns aux autres. Celui qui parmi vous les prend pour des amis est (un) d’entre eux. Lo ! Allah ne guide certes pas les gens injustes » (5:51).

Les chrétiens sont-ils incroyants ?

À propos de cette période d’éloignement réciproque, le Coran dit que les chrétiens insistaient sur leurs (fausses) positions théologiques et qu’ils étaient « égarés » (5:75). Ils « confondent la vérité avec le mensonge et cachent sciemment la vérité » (3:71) et donc « Allah les combat. Comme ils sont pervers ! » (9:30), parce qu’ils maintenaient leur croyance en la filiation de Jésus.

On trouve, dans le Coran, de nombreuses exhortations « à tuer les incroyants » (p. ex. 2:191; 4:89) ainsi que le jugement selon lequel les incroyants « resteront dans les feux de l’enfer ». Mais ni le Coran ni la théologie musulmane ne décrivent de façon claire et unanime les « incroyants ». S’agit-il des chrétiens ou du « peuple du livre » ? Ce verset s’applique-t-il aux incroyants du temps de Mahomet ou se réfère-t-il à ceux qui ont entendu l’appel de l’Islam mais ont refusé de l’embrasser ? Les déclarations coraniques au sujet des non-musulmans sont si complexes et élastiques que leurs interprétations et leurs implications pour aujourd’hui dépendent de présuppositions qui ne se trouvent pas dans le texte, mais seulement chez ceux qui les lisent.

L’émotivité que la critique occidentale du Coran produit chez les musulmans

Dans de nombreux pays musulmans, les chrétiens sont minoritaires. Cela peut impliquer qu’ils n’ont pas accès aux meilleures écoles et aux meilleurs emplois, qu’ils ne jouent aucun rôle important dans la société et sont volontairement tenus à l’écart de postes d’influence et de prestige. Dans d’autres pays, ils souffrent de persécutions. Dans tous ces pays, la majorité musulmane n’est jamais exposée à une critique ouverte de l’Islam. Les musulmans ne voient pas de problème à cela car ils considèrent les chrétiens comme des « dhimmis » (protégés) sous tutelle islamique.

Par ailleurs, le Coran ainsi que de nombreux écrivains et théologiens musulmans critiquent ouvertement et parfois durement les chrétiens, la Bible et la foi chrétienne. Par conséquent, certains musulmans sont choqués quand ils émigrent en Occident parce que, à leurs yeux, on critique l’Islam continuellement. Nombre d’entre eux sont dérangés par le fait que la majorité chrétienne n’est pas soumise à l’islam et que c’est elle qui définit les règles pour les migrants musulmans. De plus, en Occident, quiconque critique une religion n’a pas à s’en excuser. Aux yeux des musulmans, c’est le monde à l’envers.

Chacun sait que, dans la plupart des cas, il est sage d’éviter de critiquer Mahomet ou l’islam dans une conversation avec un ami musulman, sans quoi les portes peuvent se fermer définitivement. Une conversation franche est parfois possible si les personnes partagent une solide amitié et que le musulman n’est pas dévot et n’est pas accompagné de membres de sa famille, devant qui, sinon, il perdrait la face.  

Comment les musulmans considèrent aujourd’hui les chrétiens et le christianisme

Il est évidemment prévisible que les érudits musulmans actuels ne dérogent pas à cette présentation coranique ambivalente du christianisme. Les apologètes islamiques mettent le plus souvent l’accent sur les paroles coraniques plus tardives et négatives. Au fil du temps, elles ont acquis une valeur normative, abrogeant les versets plus positifs sur le christianisme. Pour les musulmans, les chrétiens violent le dogme central de l’Islam, le Tawhid (unicité de Dieu) – ce qui constitue le pire des péchés, péché aggravé par leur rejet de Mahomet comme messager de Dieu. En même temps, il faut reconnaître qu’il y a des musulmans qui se montrent respectueux des chrétiens pratiquants et admirent certaines valeurs du christianisme, cela en dépit de ce qu’enseigne la théologie islamique.

La supériorité de l’islam sur le christianisme et l’Occident chrétien

Les musulmans considèrent le christianisme comme une émanation de l’islam qui, lui, est vu comme la religion universelle de l’humanité. En effet, l’Islam a existé depuis Adam et durera comme la seule religion authentique jusqu’à la fin des temps. Les chrétiens ne trouveront pas miséricorde au jour du jugement puisqu’ils sont tombés dans de graves erreurs doctrinales. Le Coran affirme à plusieurs reprises que les chrétiens qui « ne croient pas » (en Allah) iront en enfer :

« Ceux qui ne croient pas parmi le Peuple du Livre et les Polythéistes, seront jetés dans le feu de l’enfer, pour y habiter. Ils sont les pires des créatures. » (98:6)

On peut supposer que l’expression « ceux qui ne croient pas parmi le Peuple du Livre » se réfère aux chrétiens qui ont rejeté la prophétie de Mahomet et le monothéisme islamique.

Aujourd’hui, beaucoup de musulmans considèrent que les chrétiens ne pratiquent pas seulement une religion erronée. Le rapide déclin moral de l’Occident caractérisé par l’alcoolisme, la prostitution, l’homosexualité, l’existence de maisons de retraite, les couples non mariés, les drogues et la surconsommation, renforce leur conviction que l’islam est l’alternative. Le Coran (3:110) ne déclare-t-il pas que « vous êtes la meilleure communauté qu’on ait fait surgir pour les hommes ». Le déclin moral de l’Occident « prouve » donc que l’islam est la vraie religion, ainsi que le prétendent de nombreux érudits et écrivains musulmans contemporains.

L’islam, affirment-ils, a toutes les réponses pour guérir les maux de la société occidentale. Seule la décision de se tourner vers l’Islam apportera guérison et stabilité. En proclamant cette « vérité », ces auteurs évitent soigneusement d’évoquer les faiblesses et les problèmes du monde musulman. Et si certains d’entre eux y font allusion (comme le chômage, le manque d’infrastructures, la scolarité, les emplois, le logement adéquat, etc.), c’est pour en attribuer la responsabilité à l’impérialisme occidental et à sa volonté de détruire le monde musulman et l’islam.

Le christianisme vu par certains savants musulmans

Les écrits des érudits musulmans actuels sur le christianisme contiennent peu de déclarations positives, mais beaucoup de remarques critiques et méprisantes. Dans leurs études, ils se réfèrent fréquemment à la littérature apologétique musulmane qui a émergé pendant la période médiévale de l’Islam.

1. Muhammad Rashid Rida (1865-1935)

Muhammad Rashid Rida est considéré comme l’un des érudits musulmans les plus influents de la fin du XIXème siècle. À la différence de son mentor, le célèbre réformateur égyptien Muhammad Abduh, Rida s’oppose avec véhémence au christianisme. En plus d’être un mufti (donnant des avis juridiques islamiques) Rida a publié le célèbre commentaire coranique al-Manar, qu’il a compilé à partir de notes et d’exposés de son ancien professeur. 1

Dans ses écrits, Rashid Rida aborde la question de la fiabilité des Écritures chrétiennes qu’il considérait comme une combinaison de mythes, de légendes et d’histoires entremêlés au message de Dieu (Ayoub 1984:58).

Dans ses assauts contre la révélation chrétienne, Rida utilise volontiers la critique historique biblique, d’abord développée par les théologiens chrétiens en Occident, et appliquée à l’apologétique islamique du 19e siècle. Afin de démontrer l’absurdité de la religion chrétienne, Rida a étudié les travaux de théologiens, philosophes et écrivains européens. Beaucoup d’entre eux ont publié leurs œuvres afin de saper et détruire la foi chrétienne en Europe.

2. Muhammad Muhammad Abu Zahra (1898-1974)

Muhammad Abu Zahra doit être considéré comme l’une des personnalités les plus influentes parmi les érudits musulmans et apologètes du XXe siècle. En plus de son poste de professeur d’études religieuses à l’al-Azhar, il a donné des conférences à la Faculté de droit de l’Université du Caire. Il a écrit sur la fiabilité des Écritures chrétiennes.

En 1942, il a commencé une série de « conférences sur le christianisme ». Comme Rashid Rida avant lui, Abu Zahra exprime une opposition pure et simple au christianisme dans ses écrits. Il applique les méthodes de la critique historique qui avaient émergé plus tôt dans la littérature théologique et philosophique européenne.

Il prend comme vérité fondamentale que le christianisme initial, tel que Jésus-Christ l’a enseigné, était en parfaite harmonie avec l’islam. Mais, le texte biblique ayant été corrompu, ce christianisme idéal a disparu des Écritures chrétiennes et doit être recherché dans le Coran (Zahra, p. 166). Pour cet auteur, la Trinité, qui a provoqué une scission majeure dans l’Eglise chrétienne, ne fait pas partie de l’enseignement chrétien originel. Ce concept théologique ne serait qu’un produit de l’École philosophique d’Alexandrie (Zahra p. 103-110 et 129ssss auteur aborde aussi la foi chrétienne contemporaine. Dans la 3e édition de ses conférences, il nie s’attaquer à la religion chrétienne, soulignant qu’il a l’intention de « présenter simplement des faits scientifiques » (Goddard 1996:61).

Ce qu’il véhicule, cependant, c’est la conception islamique de la corruption du texte chrétien, présentée ici comme le fruit d’une recherche scientifique. Il ne prend pas en considération le fait qu’un ensemble différent d’hypothèses ou d’approches puisse produire des résultats autres que les siens : dans sa méthode, l’islam et la religion ne peuvent être considérés que d’un point de vue islamique. Il faut noter qu’Abu Zahra ne parlait que l’arabe. De ce fait son évaluation du christianisme repose entièrement sur la littérature apologétique disponible dans cette langue. Comme on pouvait s’y attendre, son travail ne fait que reprendre la lecture musulmane acceptée des textes bibliques. On ne permet donc pas à la foi chrétienne de se représenter elle-même (Goddard 1996:83f).

3. Ahmad Shalabi (1921-)

L’Égyptien Ahmad Shalabi a obtenu un doctorat en histoire de l’Université de Cambridge. En tant qu’érudit religieux, il a publié le traité « A Comparison of Religions » (muqaranat al-adyan) où il discute du christianisme, et en particulier des thèmes de la Trinité, de la crucifixion et de la rédemption.

La religion chrétienne, selon Shalabi, combine les opinions personnelles de l’apôtre Paul avec des éléments païens qu’il a introduits dans le christianisme (Shalabi, pp. 130-140; Ayoub 1984:64).

Il soutient que les récits de la naissance, de la tentation et de la résurrection de Jésus, tels que ceux des quatre Évangiles, ont été influencés par les légendes bouddhistes et les histoires de dieux païens en Inde et au Moyen-Orient (Shalabi, p. 25ssssAyoub 1984:62).

Il serait facile de trouver davantage de littérature dans la même veine. Dans la plupart des cas, les théologiens musulmans des XIXe et XXe siècles sont plus critiques envers les chrétiens et leurs Écritures que leurs prédécesseurs. Mais, le musulman moyen, qui n’a jamais étudié la théologie musulmane, n’a généralement aucune connaissance concrète de la littérature apologétique.

Arguments de base de l’apologétique islamique contemporaine contre le christianisme

Le christianisme a été corrompu au cours de son histoire. Les prophéties bibliques pointent vers Mahomet, ce qui fait de lui le messager de Dieu pour les chrétiens aussi. Le christianisme a été l’allié de l’impérialisme occidental pour soumettre le monde islamique et subvertir la foi musulmane (Goddard 1996:93).

Dans l’ensemble, les arguments présentés sont ceux des écrivains musulmans médiévaux à ceci près qu’en incorporant des méthodes modernes de critique historique, ils ont été légèrement modifiés pour s’adapter au contexte moderne. Dans l’ensemble de ces écrits, il est évident que les sources primaires fiables (comme la Bible) n’ont jamais été étudiées. Comme Hugh Goddard (1996:94) le note,

« L’intention première de ces auteurs n’est en aucun cas de comprendre le christianisme. L’intention est de renforcer la croyance islamique traditionnelle ou de réfuter l’influence occidentale politiquement, socialement et intellectuellement. Toute « religion comparative » est conçue pour affirmer la supériorité de l’Islam. »

Il semble que les déclarations islamiques à propos des relations entre chrétiens et musulmans servent principalement à réaffirmer la foi musulmane. Bien que certaines publications soient largement accessibles, l’existence de beaucoup d’autres n’entrent pans la sphère publique. Certaines de ces « traités », surtout s’ils sont rédigés dans une langue locale, désavouent le christianisme plus que ceux destinées à une plus large diffusion.

En général, les traités contemporains sur le christianisme ne s’écartent pas de l’enseignement coranique de base. La variété d’arguments avancés contre le christianisme et l’Occident peuvent être regroupés sous trois rubriques :

  1. Théologie
  2. Moralité
  3. Culture

1. Théologie : Certains magazines musulmans ainsi que des revues publiées pour les lecteurs musulmans vivant en Occident, discutent de questions telles que le « shirk » (idolâtrie) et déclarent, plus ou moins ouvertement, que les chrétiens vénèrent trois dieux ou les désignent comme « kafir » (incroyants) aux côtés des athées (Huda 1/01, 3; Muslimischer Studentenverein Karlsruhe e.V., 1999:20). Les chrétiens errent dans leur croyance en la trinité et en la filiation divine de Jésus et à propos de sa mort sur la croix, que l’islam considère comme une abomination et qu’il rejette vigoureusement.

D’autres érudits musulmans appellent ouvertement à la fin de la mission chrétienne comme préalable à un véritable dialogue de paix et de compréhension mutuelle. De leur point de vue, l’Islam seul a le droit de faire du prosélytisme. Tolérés dans les pays à majorité musulmane, les chrétiens n’ont pas le droit de propager leur religion. Que musulmans et chrétiens jouissent d’un droit égal à proclamer leur foi n’est pas une idée acceptable pour de nombreux musulmans, même dans les pays où ils sont minoritaires.

2. Moralité : D’autres articles reflètent les préoccupations morales de nombreux musulmans vivant dans des sociétés non musulmanes. Ils caractérisent la société occidentale comme une « société zina », c’est-à-dire obsédée par la fornication et l’adultère (al-Islam, 1/01, 4-8). Les craintes d’être souillés surgissent, puisque l’adultère, selon le Coran, est l’un des péchés les plus graves qu’un homme ou une femme puisse commettre. Dans la jurisprudence islamique, il mérite la peine de hadd (mort), une peine immuable prescrite par le droit canonique et considérée comme un « droit de Dieu » (haqq Allah). Le déclin global de la moralité et l’éclatement de la famille font que de nombreux musulmans ne se sentent pas en sécurité.

3. Culture : Les musulmans dévots ont aussi de nombreux problèmes avec la culture : l’islam interdit la consommation d’alcool, de sang, d’animaux morts, ainsi que le porc et ses produits dérivés. Ils craignent que de telles substances illicites entrent dans la chaîne alimentaire ou dans la composition de médicaments. Tout contact avec ces substances illicites souille rituellement un musulman et invalide son adoration. Une personne en état d’impureté rituelle ne peut ni toucher le Coran ni prier. Enfin, il y a les questions importantes du mariage, du divorce, de l’abattage rituel des animaux, du droit aux fêtes islamiques et de la non-séparation des garçons et des filles pendant les cours d’éducation physique.

Sommaire

Le Coran et la Tradition islamique donnent du christianisme et des chrétiens une image à multiples facettes. Au début de la mission de Mahomet en 610, les musulmans étaient caractérisés par une attitude d’acceptation du christianisme. Ils considéraient les chrétiens comme le « Peuple du Livre » (ahl al-kitab). Ils les félicitaient pour leur dévotion (Sura 5:82), et approuvaient leur foi en un seul Dieu et créateur. Cette acceptation apparente était conditionnée par l’espoir qu’avait Mahomet de regrouper le soutien des Juifs et des chrétiens pour sa mission divine. Ce n’est qu’après avoir compris que les Juifs et les chrétiens rejetaient sa prétention à la prophétie – les chrétiens maintenant leur foi en la Trinité, en la filiation de Jésus et en sa crucifixion – que Mahomet leur a manifesté son hostilité. Par la suite, il a conclu qu’ils avaient dévié de leur révélation originelle et étaient tombés dans une grave erreur (2:116; 5:72-73; 4:157-158). Cette période est marquée par une multiplication de déclarations coraniques qui ont pour but de clairement séparer l’islam du christianisme et de mettre en garde les musulmans contre toute amitié avec les chrétiens. La « révélation » en viendra même à condamner les chrétiens pour leur incrédulité (98:6).

L’ambivalence caractérise donc les relations islamo-chrétiennes. La versatilité de Mahomet vis-à-vis du christianisme, dont témoigne le Coran, est perçue par nombre de musulmans. Il y a en effet beaucoup de musulmans qui apprécient la foi, les principes moraux et les valeurs familiales des chrétiens pratiquants. Ils voient aussi des similitudes dans le fait que les deux religions se réclament de prophètes communs (Adam, Abraham, Moïse, Marie et Jésus). Pourtant, il subsiste des barrières qui semblent insurmontables – la Trinité, la filiation divine de Jésus, la crucifixion, et l’accusation d’idolâtrie faites aux chrétiens.

Malgré la sympathie des musulmans pour le « Peuple du Livre » et leur foi, la voix dominante des savants musulmans suggère distance, désapprobation et déni. C’est encore plus le cas avec les questions culturelles et morales. Les musulmans dévots, membres d’une organisation musulmane ou d’un groupe politiquement actif, peuvent avoir des sentiments plus négatifs encore envers les chrétiens et se distancier d’eux ou même leur dire ouvertement leur aversion. En résumé, moins les musulmans en savent sur l’apologétique, la théologie musulmane et les arguments contre la Bible, plus ils sont ouverts à la discussion.

Références

  • Ayoub M. (1984) Muslim Views of Christianity. Islamochristiana (Rom) 10, 49-70.
  • Goddard, H. (1996) Muslim Perceptions of Christianity. Grey Seal, London.
    Huda – Die Rechtleitung, 1/01.
  • Kerr, M.(1966) Islamic Reform. The Political and Legal Theoriesof Muhammad ‘Abduh and Rashid Rida. Berkeley.
  • Khoury, A. T. & Hagemann, L. (1986) Christentum und Christen im Denken zeitgenössiger Muslime. CIS-Verlag, Altenberge.
  • Mühlbauer, A. (2001) Die Zina-Gesellschaft – eine Betrachtung zu Sure 17:32. al-Islam 1/2001.
  • Muslimischer Studentenverein Karlsruhe e.V. (ed.) (1999) Einführung in das Verhältnis von
  • Muslimen und Nichtmuslimen. Grundsätze – Geschichte – Muslime im Westen.
  • Shalabi, A. (1960/2) mqaranat al-adyan. al-Qahira.
  • Zahra A. (1966/3) muhadarat fi-n nasraniya. al-Qahira.

  1. Malcolm Kerr. Réforme islamique. The Political and Legal Theoriesof Muhammad ‘Abduh and Rashid Rida. Berkeley, 1966. 

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