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Tariq Ramadan ou l’art de l’attaque et de la victimisation

Accusé de viol, Tariq Ramadan a réussi à convaincre le tribunal qui le jugeait d’être victime de la plaignante qu’il a accusée de mensonge.

A la fin d’un procès retentissant, Tariq Ramadan, accusé de viol, vient d’être acquitté par un tribunal genevois. Quelle que soit la justesse ou la fausseté de cet acquittement, il est indéniable, preuves à l’appui, que Tariq Ramadan excelle dans l’art de transformer l’agresseur en victime et de cacher les violences qui posent problème. Il excelle aussi dans l’art d’utiliser sa victimisation pour promouvoir l’islam et de faire considérer comme islamophobe toute personne qui met en lumière ce processus d’agression. Mais jusqu’à quand ?

Une justice déséquilibrée?

Selon Fati Mansour, éditorialiste du journal Le Temps, le procès de Tariq Ramadan a été marqué par un fort déséquilibre en faveur de l’accusé. Du jamais vu.

« Étrangement, c’est l’attitude du tribunal, sans doute déstabilisé par la pression ambiante, qui a mis de l’huile sur le feu et nui à l’image de la justice en se montrant, notamment, très peu respectueux de la plaignante. » Et plus loin : « Force est de constater que le prévenu a bénéficié d’une latitude rarement de mise pour occuper le terrain, mener la danse lors de son interrogatoire, transformer ses réponses en discours et, au moment de prononcer les dernières paroles, s’en prendre à tous ceux qui le critiquent et même se retourner en vitupérant contre l’avocat français de la plaignante. Sans du tout être remis à l’ordre. Du jamais-vu. »

Lors de son procès, Tariq Ramadan a affirmé : « Le pire pour une femme, c’est de mentir sur un viol qui n’a pas eu lieu ».

Bernadette Sauvaget, journaliste à Libération a rédigé un ouvrage intitulé L’affaire Ramadan. Sexe et mensonge, la chute d’une icône (Fayard, 2019). Cet ouvrage relayé par des milieux musulmans, recueille de nombreux témoignages de femmes ayant subi des violences sexuelles de Tariq Ramadan.

Lucia Canovi, une fervente musulmane, a aussi réuni des témoignages de ces violences dans un livre intitulé Le double discours. Tariq Ramadan le jour. Tariq Ramadan la nuit (Zora d’Arc, 2017).

Il ne nous appartient pas de nous prononcer sur l’accusation de viol et de l’acquittement (provisoire ?) de Tariq Ramadan en Suisse. De même, c’est à la justice française de statuer sur les accusations de viols déposées par quatre autres femmes.

Cependant, pour toute personne qui lit attentivement les écrits de Tariq Ramadan, il devient clair que l’auteur excelle dans l’art de transformer les agresseurs en victimes et de cacher ce qui pose problème.

Voici deux exemples.

Des guerres d’agression transformées en guerre de légitime défense

Selon Tariq Ramadan, le prophète de l’islam n’a jamais lancé de guerres de conquête, mais seulement des guerres de légitime défense.

« Si la préservation de la paix demeure le cadre théorique, elle suppose parfois, dans la pratique, de se défendre légitimement contre la persécution et l’oppression. Telle sera la règle tout au long de la période médinoise; jamais le Prophète ne déclenche l’offensive, il ne fait que répondre aux agressions des Quraysh et de leurs alliés ou à ceux qui trahissent les pactes ou s’en prennent aux musulmans. (…) la guerre n’est autorisée que dans la légitime défense, si l’on est agressé ou colonisé, par exemple. Les armes de la défense doivent correspondre à celles de l’agresseur et le conflit doit s’arrêter aussitôt que l’agression a cessé.»

(Tariq Ramadan, Le Génie de l’Islam, Paris, Presses du Châtelet, p. 39, 256, 2016)

Tariq Ramadan propage l’idée, séduisante, que les musulmans, victimes des agressions des autres, ont pu et dû vivre des guerres de légitime défense. Or cela ne correspond ni aux textes fondateurs ni à l’histoire des débuts de l’islam. Mohammed a appelé constamment ses interlocuteurs à embrasser l’islam. Si ceux-ci refusaient, alors ce refus était perçu comme un refus de son message et donc une agression. Et cette agression, quand Mohammed a accédé au pouvoir militaire, pouvait justifier des représailles et donc une offensive.

Hassan Al-Banna (1906-1949), le fondateur des Frères musulmans et grand-père de Tariq (et de Hani) Ramadan, est parfaitement explicite sur le djihad comme un combat surtout offensif, parfois défensif, dans lequel le musulman doit être prêt à donner sa vie.

« Parce que l’islam visait la domination universelle, le djihad était une obligation communautaire qui devait être accomplie par l’assujettissement et la conversion du monde non-islamique. Dans le cas des Gens du Livre, ils pouvaient éventuellement conserver leur ancienne religion s’ils se soumettaient à la règle de l’islam et acceptaient de payer la jizya. Théoriquement, tous les autres peuples qui pouvaient être désignés comme «idolâtres» étaient contraints d’accepter l’islam, l’esclavage ou l’élimination. Largement conçu comme offensif, le djihad pouvait être défensif si le domaine de l’islam était menacé par un ennemi extérieur.»

(Six Tracts of Hasan Al-Bannâ, International Islamic Federation of Student Organizations, Salimiah, Kuwait, p. 268)

Mohammed, et les musulmans à sa suite, sont appelés à être offensifs pour Allah. Et si les appelés/offensés réagissent sans se soumettre, alors ces victimes sont considérées être des agresseurs qui doivent être assujettis voire éliminés.

Tariq Ramadan, contre toute vérité factuelle, excelle dans cette stratégie de renversement : selon lui, les armées musulmanes n’auraient pas été offensives et violentes (alors qu’elles l’étaient) et, selon lui toujours, les personnes agressées qui ont résisté, sont les agresseurs à accuser (alors qu’elles n’ont fait que se défendre) !

L’application de la lapidation en cas d’adultère

Selon Tariq Ramadan, le prophète de l’islam a toujours tout fait pour atténuer la peine de la lapidation pour des personnes ayant commis l’adultère.

« L’idée répandue en Occident -et je ne sais sur quoi l’on se réfère pour avancer cela- c’est qu’il y aurait une peine différente pour l’homme et la femme en cas d’adultère : cela ne correspond à rien, ni à aucun texte. Une partie des peines sont citées dans le Coran et la lapidation, en cas d’adultère, est mentionnée dans les traditions (ahadith) prophétiques. (…) Certes ces peines sont mentionnées dans les textes de référence, mais elles sont accompagnées de clauses de conditionnalité qui déterminent leur application de façon très précise et rigoureuse. (…) Sans oublier, également, cette constante attitude de Mohammed d’alléger, de refuser la dureté et la peine. (…) Mohammed cherchait toujours à éviter l’application des peines… »

(Jacques Neirynck et Tariq Ramadan, Peut-on vivre avec l’islam ?, Lausanne, Favre, 1999, pp. 105-108).

Tariq Ramadan propose l’idée, séduisante, que Mohammed cherchait toujours à éviter les peines en cas d’adultère. (Même si lui-même a nié toute forme de viol, il a reconnu avoir commis l’adultère. Peut-être a-t-il intérêt à l’affirmer. Mais là n’est pas la question.) Ici encore, Tariq Ramadan camoufle la dure vérité.

Voici un récit bien connu, et reconnu comme authentique par tous les musulmans.

« Nâfi rapporte que Ibn-‘Omar a dit : « On amena au Prophète un homme et une femme d’entre les Juifs qui avaient forniqué. « Quel est le châtiment que vous infligez en pareille circonstance ? demanda le Prophète aux Juifs. —Nous leur noircissons le visage, répondirent-ils, et nous les exposons en public [note : On les promenait dans la ville montés sur des ânes et assis ou accroupis en tournant le dos à la tête de l’animal.] — Apportez le Pentateuque et lisez-le si vous êtes sincères.» On apporta le Pentateuque et on dit à un des Juifs en qui ils avaient confiance : « Hé ! le borgne [note : C’était le surnom d’un Juif appelé ‘Abdallah-ben-Sour. La forme de l’interpellation n’avait rien d’injurieux.] lis. » L’homme lut, et, arrivé à un certain endroit, il mit la main sur un passage. « Retire ta main », lui dit Ibn-Selâm. Le Juif ôta sa main et on vit au-dessous apparaître le verset de la lapidation. — «O Mohammed, dit le Juif, ils devraient être lapidés tous les deux ; mais nous avons l’habitude entre nous de dissimuler ce verset.» Le Prophète ordonna de lapider les deux coupables, ce qui fut fait ; et je vis l’homme cherchant à préserver la femme des pierres.»

(Hadîths de Boukhâri, Titre 97, chapitre 51).

Les Évangiles enseignent que Jésus, lui aussi, a refusé de lapider une femme ayant commis l’adultère. « Que celui d’entre vous qui n’a jamais péché lui jette la première pierre » (Évangile de Jean, 8,7). Et cette compassion est aux antipodes de celle de Mohammed. Très clairement, les juifs de l’époque de Mohammed ne voulaient pas non plus appliquer la lapidation. Et c’est le prophète de l’islam qui a choisi non pas d’adoucir la peine, mais de la durcir. Avec beaucoup d’habileté, Tariq Ramadan le cache et fait croire en la grande mansuétude de Mohammed.

Hani Ramadan, le frère de Tariq, a reconnu crûment que la peine de la lapidation en cas d’adultère fait partie intégrante de la Loi islamique. Sans camouflage, il l’a affirmé dans un article paru dans Le Monde (10.09.2002) qui fit grand bruit.

« Les musulmans sont convaincus de la nécessité, en tout temps et tout lieu de revenir à la loi divine. Ils voient dans la rigueur de celle-ci le signe de la miséricorde divine. Cette conviction n’est pas nourrie par un fanatisme aveugle, mais par un réalisme correspondant à la nature des choses de la vie. »

Et un peu plus loin :

« Soyons encore plus explicite, au risque de heurter cette fois la sensibilité des partisans invétérés des Lumières. Dans une tradition authentique, le prophète Mahomet annonçait : « La turpitude n’apparaît jamais au sein d’un peuple, pratiquée ouvertement aux yeux de tous, sans que ne se propagent parmi eux les épidémies et les maux qui n’existaient pas chez leurs prédécesseurs. » Qui pourrait nier que les temps modernes, conjuguant le déballage de la débauche sur le grand écran et la hantise d’une contagion mortelle, offrent la parfaite illustration de cette parole ? En clair, que ceux qui nient qu’un Dieu d’amour ait ordonné ou maintenu la lapidation de l’homme ou de la femme adultères se souviennent que le virus du sida n’est pas issu du néant. »

Cet article suscita une vive polémique, le licenciement de son auteur, l’annulation de ce licenciement par une Commission de recours de l’instruction publique et le versement en sa faveur d’un dédommagement de 345’000CHF. La justice genevoise, décidément, semble bien favorable à la famille Ramadan. Aujourd’hui, c’est l’État de Genève qui devra verser à Tariq Ramadan un dédommagement de 151’000CHF.

À la différence de son père et de son frère, Tariq Ramadan sait cacher très habilement ce qui pose problème. De manière brillante, il recouvre les obscurités de Mohammed, des textes islamiques et peut-être les siennes.

Nombreux sont ceux qui ne semblent pas vouloir le voir. Pourquoi une telle subjugation ? Quels sont les intérêts cachés ? Pourquoi un tel voilement de la vérité ? Les questions restent ouvertes. Tous nous avons nos parts d’ombre. Dans toutes les traditions religieuses et visions du monde, il y a des beautés et des laideurs. Or mieux vaut les reconnaître.

Pour cacher sa propre agressivité, il n’est pas acceptable de transformer les agressés en agresseurs, et les agresseurs en victimes.

Quels que soient nos avis sur Tariq Ramadan et ses procès, il nous faut reconnaitre qu’il excelle dans l’art du camouflage et du renversement. Son procès, « gagné » en Suisse, sera un signe supplémentaire qu’il est une victime d’accusations mensongères. Il en profitera certainement pour promouvoir le « génie de l’islam » et la mansuétude de Mohammed. Il rappellera en passant que ceux qui ne sont pas en accord avec lui sont des islamophobes et les vrais ennemis de la liberté, de la vérité et de la démocratie.

Mais jusqu’à quand ?

Pour aller plus loin

Florence Bergeaud-Blackler, Le frérisme et ses réseaux, l’enquête, Paris, Odile Jacob 2023.

Mohamed Sifaoui, Taqiyya. Comment les Frères musulmans veulent infiltrer la France, Paris, Editions de L’Observatoire, 2019. (Taqiyya signifie dissimulation, double jeu, mensonge).

Atmane Tazaghart (dir.), La menace mondiale des Frères musulmans. Le Rapport du Congrès américain commenté par les experts de Global Watch Analysis, Paris, Global Watch Analysis, 2022.

Philippe D’Iribarne, Islamophobie. Intoxication idéologique. Anatomie d’une imposture, Paris, Albin Michel, 2019.

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