Les évènements du 11 septembre 2001 et les réactions qui ont suivi ont mis la foi musulmane – et particulièrement l’extrémisme islamiste – sous les projecteurs. Ils ont fait d’elle un sujet de discussion sans fin.
Alors que les opinions de musulmans politiquement actifs (islamistes) ou extrémistes sont devenus des sujets de plus en plus médiatiques, les musulmans libéraux ne mobilisent pas autant l’attention. Pourtant, le féminisme musulman peut être considéré comme une forme d’islam libéral.
Caractéristiques du féminisme musulman:
La littérature arabe moderne fournit au féminisme musulman sa principale tribune. De façon générale, l’héroïne de l’histoire est une femme qui n’accepte pas les conventions sociales. Elle est religieuse et traditionnelle mais se rebelle contre elles. Elle s’oppose à ces règles dans sa recherche d’une vraie liberté et d’un amour épanoui.
Les féministes musulmanes essayent de trouver, dans l’islam, leur identité de femmes orientales. En règle générale, elles rejettent les critères et la morale de l’Occident. Elles n’acceptent pas pour autant les conceptions patriarcales de leur propre culture. Leur recherche d’identité s’exprime aussi dans la poésie, comme, par exemple, dans le poème « I » de l’auteure irakienne Nasik al-Mala’ika. Un des vers de ce poème dit : « Qui suis-je ? Mon moi le demande ».
Les féministes musulmanes refusent de définir l’islam comme une religion violente. Elles font la différence entre « islamiste » et « musulman ». Pour elles, le mot « islamiste » sous-entend une forme d’islam politique brutal. Il s’exprime violemment à travers le terrorisme et le fondamentalisme. Cela contraste avec le musulman qui est enfant d’une famille musulmane et vit sa foi selon ses appréciations personnelles.
Les féministes musulmanes recherchent l’élément féminin dans l’islam. Elles mettent l’accent sur le nouveau mode de vie, bien meilleur, que Mohammed accorda à ses femmes. Leurs explications s’appuient surtout sur la tradition. Elles se réfèrent aussi aux rapports qu’a entretenus Mohammed avec ses femmes à la fin de la période médinoise.
Les féministes musulmanes étudient le Coran et essayent de l’interpréter d’une façon moderne et adaptée au monde contemporain. Les féministes musulmanes sont fières d’être des femmes musulmanes au caractère bien trempé. Elles enseignent que l’islam accorde aux femmes le droit de circuler hors de leurs maisons sans entrave. Il leur donne le droit de prendre des décisions indépendantes de la volonté de leur famille.
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L’interprétation féministe de l’islam est-elle assez puissante pour s’imposer ?
Quand on considère la vision idéalisée que les féministes ont du statut des femmes en islam et qu’on la compare à la réalité quotidienne en pays musulman, il est à craindre que leur interprétation – très intellectuelle – ne change ni les situations concrètes des femmes – légalement discriminées dans l’islam – ni ne leur offre de solution pratique. La voix des féministes est trop faible pour être entendue (des élites) et trop intellectuelle pour être comprise des masses. De plus, c’est un point de vue exprimé non par des hommes mais par des femmes dont la voix a peu de poids aux yeux de la théologie musulmane officielle, même si elles sont professeures ou « hocas » et conduisent les femmes dans les prières rituelles.
Les musulmans conservateurs accepteront difficilement cette interprétation des choses et ses implications. Il semble qu’il y ait deux raisons fondamentales à cela : d’abord, l’islam officiel ne favorise pas l’analyse critique ; ensuite, il n’admet pas la critique des modes de vie traditionnels que justifie la religion.
Ce double refus conduit au repli et à la survalorisation de la tradition, de l’héritage et de l’histoire de l’islam. Pour les musulmans traditionnels, un tel point de vue rend quasi impossible leur adaptation aux transformations de la vie moderne et à sa façon de penser. Il empêche la réconciliation de l’islam avec le présent.
Une deuxième raison au manque d’ouverture des musulmans conservateurs aux idées féministes est le statut inférieur de la femme. Quand il est question de théologie ou de sujets de sociétés, les musulmans conservateurs ne considèreront jamais les femmes comme des partenaires de discussion égaux. Cette attitude s’appuie sur des considérations à la fois culturelles et religieuses. En fait, ils considèrent les représentantes d’une interprétation moderne et féministe de l’islam comme un danger pour l’ordre ancien. Ils évitent de discuter avec ces femmes et ignorent leur littérature ou l’interdisent. C’est pourquoi les écrits féministes provocants, comme ceux de Fatima Mernissi, fameuse activiste du droit des femmes, trouvent davantage d’écho à l’Ouest qu’au Maroc, son propre pays.
Bibliographie
Mernissi Fatima, Lakeland Mary-Jo. The veil and the male elite: a feminist interpretation of women’s rights in islam. Oxford, 1992.
Schöning-Kalender Claudia, Neusel Ayla, Jansen Mechthild M. (Hg.). Feminismus, islam, Nation. Frauenbewegungen im Maghreb, in Zentralasien und in der Türkei. Frankfurt, 1997.