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Djihadistes convertis à un islam « non-violent »

Djihadistes convertis à un islam « non-violent ». Ce titre résume l’itinéraire personnel de musulmans qui, un temps séduits par le djihad, s’en sont détournés et prêchent aujourd’hui un islam « non-violent ». Mais leur démarche résout-elle la question de la violence dans l’islam ?

Comment sauver la jeune génération de la violence islamiste ? C’est pour répondre à cette question que Deeyah Khan a réalisé le film Jihad. En allant à la rencontre d’hommes et de femmes qui avaient basculé dans l’extrémisme violent, elle a tenté de comprendre leurs motivations et le contexte de leur radicalisation.

Pressions sociales et familiales

Comme dans son premier film, Banaz, a Love Story, les considérations psychologiques et sociales occupent une place considérable dans le développement de ce documentaire. Toute la problématique de l’extrémisme musulman semble liée à celle de la migration de populations musulmanes en pays non-musulmans. Comme le racontent certains des hommes interviewés, ils ont tout essayé pour s’intégrer à la culture britannique. Cela n’a pas empêché le « racisme ordinaire » et, parfois, l’expression d’un rejet ouvert. Les « Paki go home », les termes péjoratifs pour désigner les Pakistanais, de même que les contrôles d’identité au faciès et le relevé de leur ADN faisaient partie de leur expérience normale.

Mais au rejet de la population locale s’ajoutaient les injonctions de leurs propres familles. Elles leur prescrivaient qui fréquenter et qui épouser. Alors que ces jeunes hommes vivent dans une société hypersexualisée, ils n’ont personne avec qui parler librement de sexualité, ni famille ni imam. Leur entourage familial leur désigne aussi les études ou les activités qu’ils doivent entreprendre. Et tous savent que, dans aucun de ces domaines, ils ne peuvent se permettre de déshonorer leurs parents ou de leur faire honte.

En quête d’une raison de vivre

Pour échapper à la pression de la société d’un côté et à celle de leur famille de l’autre, certains choisissent de mener une double vie. Face à leurs proches, respect et tradition. Le reste du temps, tâtonnements désespérés. Ils sont confus et ont le sentiment de n’appartenir à aucune communauté. Honteux, solitaires et isolés, la colère boue dans le cœur des uns tandis que d’autres conçoivent la mort comme une option attrayante.

Ce sont ces jeunes en mal d’attache que visent les islamistes. En projetant une image virile et glorifiée du djihad, les recruteurs leur vendent le rêve d’un destin héroïque. Au moyen de vidéo dramatiques, ils visent à faire naître chez eux un sentiment de révolte contre les mécréants qui « agressent » leurs frères. Qui en Afghanistan, qui en Irak ou en Palestine. Persuadés que la souffrance de ces musulmans est la leur, ils intègrent l’idée que le djihad est une obligation, leur obligation.

Lire aussi: Djihad (article Wikipédia)

Certitudes et désillusions

Comme le reconnaît l’un d’eux, « une émotion transcendante » l’a électrisé quand il a embrassé l’idée du djihad. Avant, ils avaient le sentiment de n’être que l’ombre d’eux-mêmes, sans avenir dans une société qui leur rappelait constamment leur état d’étrangers. Maintenant, en particulier quand ils se rattachent à un leader charismatique, ils ont le sentiment d’appartenir à une famille, d’avoir un mentor qui les accompagne et d’embrasser une cause pour laquelle donner leur vie. En Afghanistan, au Kashmir ou en Bosnie, ils sont sûrs de combattre pour un noble idéal ! Et tout ce qu’ils font doit tendre au martyr, le sommet de la réalisation de soi. Ils aiment la mort où d’autres, les musulmans lâches et les mécréants, aiment la vie.

Abu Muntasir, un des principaux témoins de ce film, faisait figure de modèle. Pendant une quinzaine d’années, il a été le principal recruteur de candidats au djihad en Europe. Prédicateur passionné, il s’est lui-même rendu dans plusieurs pays pour « défendre les musulmans ». Mais sur le terrain, après l’élation des premières années, la corruption, les rivalités entre chefs de groupes armés et le fait que des musulmans combattaient d’autres musulmans ont eu raison de son engagement. Sa désillusion s’est cristallisée lorsque deux jeunes combattants de treize ans l’ont supplié de les emmener en Angleterre pour pouvoir aller à l’école. Armés de lance-roquettes, ils portaient des haillons et allaient pied nus. Un instant, il a vu ses propres enfants à leur place. C’est le moment où le doute a renversé ses certitudes.

Musulmans « non-violents »

A partir de ce jour, il a renoncé au djihad. De retour en Angleterre, il a cessé son activité de recruteur et s’est mis à prêcher un islam « modéré ». Certains de ses anciens disciples, arrivés aux mêmes conclusions que lui, œuvrent à la déradicalisation de jeunes musulmans tentés par la violence extrémiste. Abu Muntasir déclare que « la haine n’est pas ce que Muhammad a enseigné » et qu’il veut compenser tout le mal qu’il a fait en faisant le bien aussi longtemps qu’il en aura la force.

Lire aussi: Le djihad, une prescription toujours en vigueur?

L’islam peut-il être « non-violent » ?

Ce documentaire, qui a une approche si profondément humaine des personnages qu’il nous présente, laisse malheureusement une question sans réponse. Que fait Abu Muntasir des nombreux textes du Coran qui l’avaient persuadé du caractère obligatoire du jihad pour tout musulman sincère ? Quelle interprétation en donne-t-il aujourd’hui ? Les considère-t-il comme abrogés ? Et comment les musulmans qui continuent de justifier leur violence en citant le Coran le jugent-ils ? 

Tant par ce qu’il met en lumière que par ce qu’il laisse dans l’ombre, ce film, si passionnant à regarder, tend à confirmer la réflexion de Taslima Nasreen : « il y a des musulmans modérés, mais l’islam n’est pas modéré ».

Voir le film:

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