Un crime d’honneur n’est pas un crime. Pour les hommes qui le commettent, c’est le prix à payer pour laver leur honneur. Quand un membre de leur famille enfreint un interdit et attire la honte sur eux, ils doivent le châtier. Ne rien faire reviendrait à perdre définitivement le respect de leur communauté.
Conflits générationnels
Dans Banaz : A Love Story, Deeyah Khan, auteur de ce documentaire, relate la vie et la mort de Banaz Mahmod. En 1995, sa famille fuit le régime de Saddam Hussein et trouve refuge en Angleterre. Elle vit parmi d’autres Kurdes et conserve strictement ses coutumes.
Alors qu’elle n’a que 17 ans, ses parents la marient à un homme de 10 ans son aîné. Il vient d’Irak, est illettré et la traite comme son esclave.
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Après deux ans de tourments et d’abus, Banaz, qui a plusieurs fois demandé à sa famille d’autoriser son divorce, quitte définitivement son mari. C’est pour sa famille un acte inacceptable. À ce déshonneur, elle ajoute celui de tomber amoureuse d’un autre homme et d’entretenir avec lui une liaison secrète. Lorsqu’ils en sont informés, son père et son oncle se réunissent en conseil de guerre et préparent son élimination.
En 2006, dans le jardin d’une maison de la banlieue de Londres, la police retrouvera les restes de son corps dans une valise, deux mètres sous-terre.
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Défis de l’intégration
Avec ce film, Deeyah Khan se met à l’écoute des différents témoins de cette tragédie. Leurs propos font apparaître les multiples tensions que provoque le rapprochement subit de populations dont les mœurs diffèrent profondément.
Face à un monde inconnu, les Kurdes installés en Angleterre cherchent à préserver et faire respecter leurs traditions. Mais certaines de ces traditions – les crimes d’honneur en particulier – sont problématiques. Pour la loi, un crime, quel qu’en soit le motif, est un crime.
Cette tension vécue au sein des familles immigrantes se répercute sur toute leur communauté. Il y a en effet tension entre ceux qui tiennent à conserver leurs traditions et ceux qui désapprouvent les crimes d’honneur. Mais ces derniers, même majoritaires, craignent de s’exprimer parce que les conservateurs font la loi dans la communauté.
Face aux communautés immigrées, les populations locales sont, elles aussi, traversées par des tensions. Certains ne cachent pas leur hostilité envers ces étrangers et expriment des sentiments racistes. D’autres, pour éviter d’être taxés de racisme, préfèrent se taire plutôt que de critiquer des pratiques telles que les crimes d’honneur. La population peut ainsi osciller entre racisme et attitude politiquement correcte.
Mondes en collision
Dans cette histoire, deux mondes fondamentalement opposés sont entrés en collision. Pour la famille de Banaz, la loi du groupe a prévalu sur la liberté de l’individu. Pour leurs hôtes britanniques, en exerçant sa liberté de manière responsable, chaque individu contribue à déterminer la loi du groupe.
L’intérêt de ce film est d’exposer ces différentes tensions tout en proposant des mesures destinées à éviter de tels drames: former les policiers et les infirmières pour qu’ils sachent protéger les personnes que des membres de leur famille menacent pour des raisons d’honneur. Passer des lois. Prendre aussi en compte le fait que des crimes d’honneur ne sont pas le fait de la seule communauté musulmane. Il y a urgence: chaque année, les crimes d’honneur se comptent encore par milliers en Europe.
Ce film montre surtout que des personnes d’origines si différentes peuvent s’unir dans la lutte pour défendre la dignité de chaque être humain. L’inspectrice de Scotland Yard, Caroline Goode, en est un lumineux exemple. C’est elle qui, par sa ténacité a réussi à retrouver le corps de Banaz, a poursuivi ses assassins jusqu’en Irak, a obtenu leur extradition et a permis que justice lui soit rendue.
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