La première publication de ce texte remonte à 2017. Huit ans plus tard, il n’a rien perdu de son incandescence. La récente tuerie de Sydney, visant des Juifs célébrant la fête d’Hanoukka, nous rappelle que l’islam politique, l’islam qui appelle les musulmans « à tuer et à se faire tuer sur le chemin d’Allah »1, est le fils légitime de l’islam et son expression sublimée.
Avant de lire ce texte, il peut être utile de rappeler quelques faits.
D’abord, les circonstances : le Père Boulad a lancé ce cri suite à deux attentats à la bombe : le premier contre l’Église St-Georges dans la ville de Tanta, le second contre la cathédrale St-Marc à Alexandrie. Ce 9 avril 2017, dimanche des Rameaux, quarante-cinq Coptes sont morts et cent dix-neuf autres ont été blessés.
Ensuite, une précision essentielle : l’auteur n’écrit pas en ennemis des musulmans. C’est l’islam comme système totalisant et son université, al-Azhar et la complaisance de politiciens, d’universitaires et de média occidentaux et de l’Eglise catholique elle-même, qu’il prend à parti et dont il dénonce les œuvres et les fruits.
Enfin, le concert d’anathèmes que ce texte a suscité contre son auteur : ils sont habituels de la part de ceux pour qui toute critique raisonnée de l’islam ne peut qu’être de mauvaise foi et appel à la haine. Ils se plaisent à agiter des chiffons rouges au lieu de reconnaître que les faits et l’histoire donnent raison à leur auteur. En prophète pour son temps, Henri Boulad dénonce un système qui maintient captifs des millions d’êtres humains et fait de la violence un mode opératoire divinement requis à l’encontre de tous ceux qui refusent de s’y soumettre.

J’accuse l’islam!3
J’accuse l’Islam d’être la cause de cette barbarie et de tous les actes de violence commis au nom de la foi musulmane.
Je n’accuse pas les musulmans qui sont majoritairement pacifiques, bienveillants et amicaux, mais l’islam comme idéologie politique. J’ai parmi les musulmans – qui sont nos frères en humanité – beaucoup de remarquables amis fidèles et irréprochables, souhaitant eux-mêmes un islam humaniste et pacifié. De très nombreux musulmans – et ex-musulmans – ne sont pas responsables de cette barbarie au nom de Dieu. Ce ne sont donc pas eux que j’accuse ici… mais l’islam comme tel.
Ce ne sont pas non plus les terroristes, ni le terrorisme que j’accuse. Ni uniquement les Frères Musulmans ou la nébuleuse de groupuscules qui gravite autour de cette confrérie jihadiste et violente. Pas plus que je n’accuse l’islamisme, ou l’islam politique et radical.
J’accuse tout simplement l’islam qui, par nature, est à la fois politique et radical.
Comme je l’avais déjà écrit il y a plus de vingt-cinq ans, l’islamisme c’est l’islam à découvert, dans toute sa logique et sa rigueur. Il est présent dans l’Islam comme le poussin dans l’œuf, comme le fruit dans la fleur, comme l’arbre dans la graine. Il est porteur d’un projet de société visant à établir un califat mondial fondé sur la charia, seule loi légitime, parce que divine. Il s’agit là d’un projet global et globalisant, total, totalisant, totalitaire.
L’Islam se veut à la fois religion, état et société, dîn wa dawla. C’est ainsi qu’il a été depuis ses plus lointaines origines.
Avec le passage de La Mecque à Médine (l’Hégire) l’Islam passe du statut de religion à celui d’État théocratique. C’est aussi le moment où Mahomet cesse d’être simple chef religieux pour devenir chef de guerre, chef d’État et leader politique. Religion et politique seront désormais indissolublement liés : « L’Islam est politique ou n’est rien » (Imam Rouhollah Khomeiny).
J’accuse de mensonge délibéré ceux qui prétendent que les atrocités commises par des musulmans « n’ont rien à voir avec l’islam ». Or, c’est bien au nom du Coran et de ses injonctions claires que ces crimes sont perpétrés. Le seul fait que l’appel à la prière et l’incitation au meurtre des infidèles soient précédés du même cri, Allah-ou akbar (Dieu est le plus grand) est hautement significatif.
J’accuse les érudits musulmans du Xème siècle d’avoir promulgué des décrets – devenus irréversibles – menant l’islam dans l’impasse d’aujourd’hui.
Le premier de ces décrets – celui de l’abrogeant et de l’abrogé – a consisté à donner la primauté aux versets médinois, porteurs de violence et d’intolérance, au détriment des versets mecquois invitant à la paix et à la concorde.
Pour rendre ce verdict irréversible, deux autres décrets furent promulgués : celui de déclarer le Coran « parole incréée d’Allah », donc immuable ; et celui d’interdire tout effort ultérieur d’interprétation en déclarant « la porte de l’ijtihad [effort de réflexion] définitivement close ». La sacralisation de ces décisions a fossilisé la pensée musulmane et contribué à maintenir les pays islamiques dans un état d’arriération et de stagnation chronique.
J’accuse l’islam de s’être enferré dans un dogmatisme dont il ne parvient pas à sortir. Pris à son propre piège de ressentiments, il rend toute l’humanité responsable de ses propres échecs dans une entreprise de victimisation, et d’autojustification.
J’accuse l’Azhar, censé incarner l’islam modéré, de nourrir un esprit de fanatisme, d’intolérance et de haine chez des millions d’étudiants et d’imams venant du monde entier se former auprès de ses institutions. Il devient ainsi une des sources principales de terrorisme dans le monde.
J’accuse l’Azhar pour son refus systématique de réformer ses programmes et ses manuels scolaires et universitaires. Malgré les demandes réitérées du Président égyptien al-Sissi d’en supprimer tous les textes incitant à la haine, à la violence et à la discrimination, rien n’a encore été entrepris.
J’accuse l’Azhar pour son refus de condamner l’État islamique/Daesh et l’islamisme salafiste/wahhabite, preuve d’une véritable proximité avec le terrorisme.
J’accuse le grand imam d’el-Azhar, le cheikh Ahmed el-Tayeb, malgré plusieurs années d’études à Paris et une thèse de doctorat soutenue à la Sorbonne, de persister à s’en tenir au courant obscurantiste et moyenâgeux. Alors qu’on attendait de sa part la promotion d’une pensée innovante dans cette vénérable institution, il a au contraire rétabli les textes incitant à la violence et à l’intolérance dans les manuels scolaires et universitaires des institutions d’el-Azhar, pourtant écartés par son prédécesseur le cheikh Mohammed Tantaoui.
J’accuse l’Azhar de ne pas faire appel aux « nouveaux penseurs musulmans » d’Orient et d’Occident afin d’amorcer avec eux une réforme en profondeur de l’islam.
J’accuse de grandes nations occidentales qui tout en prétendant défendre les valeurs de liberté, de démocratie et de droits de l’homme collaborent activement avec un islam fondamentaliste pour des intérêts bassement économiques et financiers.
J’accuse l’Occident d’avoir inventé avec les islamistes la notion mensongère d’islamophobie pour faire taire toute critique à l’égard de l’islam.
J’accuse certains dirigeants européens de céder aux revendications liberticides d’un islam de plus en plus exigeant et agressif, dont le but clairement proclamé est la conquête pure et simple de l’Occident. Ces dirigeants trahissent ainsi leurs peuples et bradent leur héritage historique. Au nom d’une idéologie multiculturaliste, d’un mondialisme sauvage et d’une ouverture tous azimuts, ils contribuent à l’effondrement d’un passé prestigieux de culture et de civilisation.
J’accuse le laxisme d’une certaine gauche libérale incapable en France d’imposer les lois de la République à une minorité refusant toute intégration. Les dirigeants, vendus par intérêt électoral à des banlieues explosives, ont participé à la dégradation sociale des « quartiers perdus de la République » au nom d’une « paix civile » qui n’est que capitulation de l’État.
J’accuse l’Église catholique de poursuivre avec l’Islam un ‟dialogue” fondé sur la complaisance, les compromissions et la duplicité. Après plus de cinquante années d’initiatives à sens unique, un tel monologue est aujourd’hui au point mort. En cédant au « politiquement correct » et sous prétexte de ne pas froisser l’interlocuteur musulman au nom du « vivre ensemble », on évite soigneusement les questions épineuses et vitales. Tout vrai dialogue commence par la vérité.

J’accuse les grands médias de manipulation et de mensonge en faisant une lecture biaisée des réalités, en avançant des chiffres tendancieux, des statistiques faussées et des “sondages” truqués. Cette désinformation systématique foule aux pieds la déontologie et l’éthique les plus élémentaires au profit des grands groupes financiers qui les subventionnent et dictent leurs lignes éditoriales.
Plutôt que de s’indigner d’actes terroristes de plus en plus fréquents, il est grand temps de faire face à la réalité réelle et d’oser la parole vraie.
Il est grand temps de reconsidérer le problème de l’islam sans détours, sans peur et sans complaisance. La langue de bois et le relativisme ne mènent qu’au pire. Les États occidentaux ont l’obligation légale et morale de préserver leur intégrité territoriale, leur mode de vie, leur culture et leurs valeurs face à un islam conquérant et foncièrement hostile à la civilisation occidentale.
Que les musulmans qui ne se reconnaissent pas dans ce déchaînement de haine et de violence soient confrontés sans déni ni faux-fuyants à eux-mêmes, à leurs textes fondateurs et à leur histoire ainsi qu’à leur tragique situation aujourd’hui dans le monde. Plutôt que de chercher à promouvoir un dialogue entre l’islam et le christianisme, ou entre l’islam et l’Occident, il est urgent de promouvoir un dialogue et des réformes intra-islamique. Que les musulmans reconnaissent enfin que leur problème est endogène, et qu’ils aient le courage de l’aborder en toute lucidité et humilité en cessant de se voiler la face.
Il est grand temps de dépasser les clivages de gauche et de droite, de progressiste et de conservateur, de socialiste et de démocrate, de républicain et de libéral, de judéo-chrétien et de musulman, pour trouver entre tous les humains une base commune de valeurs et de principes. Or, je n’en connais point d’autre que la Charte universelle des Droits de l’Homme proclamée par l’ONU en 1948, que tous les pays arabes et musulmans ont refusé de signer dans son intégralité.
Il est grand temps de placer l’Homme au cœur du débat dans une recherche commune de vérité. Car « si vérité et amitié nous sont également chères, c’est un devoir sacré d’accorder la préférence à la vérité » (Aristote, Éthique à Nicomaque, I, 4, 1096 a 13).
Seule une vraie confrontation au réel permettrait qu’ « amour et vérité se rencontrent… que justice et paix s’embrassent » (Psaume 85:11).
Notes
- 1Certes, Allah a acheté des croyants, leurs personnes et leurs biens en échange du Paradis. Ils combattent dans le sentier d’Allah: ils tuent, et ils se font tuer. C’est une promesse authentique qu’Il a prise sur Lui-même dans la Torah, l’Évangile et le Coran. Et qui est plus fidèle qu’Allah à son engagement? Réjouissez-vous donc de l’échange que vous avez fait: Et c’est là le très grand succès. (Sourate 9.11)
- 2Henri Boulad (en arabe : هنرى بولاد, né le 28 août 1931 à Alexandrie (Royaume d’Égypte) et mort le 14 juin 2023 au Caire (Égypte)[1], était un prêtre jésuite de rite melkite et un écrivain égyptien. Voir note biographique Wikipedia https://fr.wikipedia.org/wiki/Henri_Boulad
- 3© Henri Boulad, s.j. Alexandrie, Dimanche de Pâques, 16 avril 2017 – Texte relu et révisé par François Sweydan pour Dreuz.info.