Lors de la tuerie de Christchurch, Brenton Tarrant s’est-il pris pour un cavalier de l’Apocalypse en assassinant une cinquantaine de musulmans à l’heure de la prière ?
Dans le document publié quelques heures avant son passage à l’acte, il s’est « simplement » présenté comme un ethnonationaliste et un fasciste, un homme soucieux d’assurer un avenir à son « peuple » face aux « envahisseurs ». Mais comme ses victimes sont toutes musulmanes, on a eu une cruelle impression de déjà vu.
Terrant, comme les commandos de la tuerie de Charlie Hebdo ou du Bataclan, a choisi les armes à feu. Il explique ce choix en raison de l’effet que ce massacre aurait sur le « discours social », sur la couverture médiatique qu’il lui assurerait ainsi que l’influence qu’il exercerait sur la politique américaine …. Cette stratégie ressemble étrangement à celle des djihadistes: utiliser internet à des fin de propagande, rechercher la médiatisation maximale et provoquer la « terreur » chez l’« ennemi ». Tout comme les djihadistes, Terrant a agi avec la conviction d’une mission à accomplir en faveur de « son peuple ». Tout comme eux, il croit que « son peuple » doit imposer ses valeurs et exclure tout ce qui en diffère. En plus, il y a chez lui, comme chez eux, la recherche implicite d’une forme de « salut » personnel.
Etablir la relation entre doctrine et actes
Ces ressemblances opérationnelles et philosophiques sont plus que troublantes. Elles posent une question qu’on ne peut ignorer. Le premier n’est-il qu’un ange déchu de l’ethnonationalisme blanc et les seconds des disciples égarés de Mahomet? Cela reviendrait à considérer que leurs actes n’ont rien à voir avec les idéologies dont ils se réclament.
C’est la raison pour laquelle, tout comme on prend le temps d’analyser les ressorts de violences commises au nom d’idéologies d’extrême droite, il faut aussi analyser les croyances des djihadistes. Mais, là, on a pu le vérifier récemment encore, cette égalité de traitement provoque des réactions outrées. Pourquoi ? Qu’est-ce qui justifie que, dans le cas de Tarrant, on s’empresse de mettre en garde contre les dangers des idéologies d’extrême droite tandis que, dans le second, on soupçonne de racisme et d’islamophobie ceux qui dénoncent les préceptes de l’islam dont se réclament les djihadistes?
Voir: Attentats de Christchurch
Voir aussi: Allâhu Akbar! Simple expression de piété ou cri de guerre?
Faire la différence entre systèmes et personnes
Deux facteurs semblent conduire à penser que la critique de l’islam revient à attaquer les musulmans. En Occident, les musulmans vivent au bénéfice de la notion de « liberté religieuse ». Cette liberté reconnaît à chacun le droit de croire ou de ne pas croire. Elle implique le respect des convictions et des pratiques religieuses de chacun. Forts de ce droit, les musulmans demandent des aménagements particuliers : port du voile à l’école ou au travail; heures de piscine réservées au femmes; carré musulman dans les cimetières; etc.. Or, ces dérogations contreviennent aux principes de neutralité religieuses de nos sociétés. Tout refus d’accommodement apparaît alors comme une discrimination et une manifestation d’hostilité.
Le second facteur qui incite à considérer toute critique de l’islam comme une forme de malveillance tient à une manière particulière de citer le Coran. Il y a dans le Coran des textes qui semblent prôner la liberté de religion, condamner la violence et appeler à une vie paisible avec tous. Face caméra, certains responsables musulmans aiment citer ces passages. Ils savent pourtant que, dans leur contexte, ces versets ont un autre sens ou que des révélations plus récentes les ont abrogés. Trompés par ces « bonnes paroles », bien des Occidentaux considèrent les djihadistes comme des gens ignorants, fanatisés et non représentatifs du « vrai islam ». Pour eux, il devient évident que critiquer l’islam, c’est être raciste et islamophobe.
Nommer le danger pour le vaincre
Qu’ils soient ethnonationalistes ou djihadistes, ces tueurs sont ennemis de l’humanité et incarnent ce qu’il y a de plus abominable dans leur système de croyance. Une société qui craint de dénoncer de telles idéologies s’aveugle elle-même. Elle refuse de reconnaître que les idées ont toujours des conséquences. Elle oublie qu’il faut combattre les idées mortifères fermement tout en respectant les personnes. Elle abandonne l’idée qu’une société s’élève à travers la confrontation des idées. Au lieu de cela, elle prête une oreille naïve à ceux qui, justement, veulent abolir l’échange honnête pour imposer leur système unique.