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Le texte coranique a-t-il subi des altérations ?

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11 mai 2020

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Le texte coranique a-t-il subi des altérations? Malgré les obscurités et les incertitudes qui entourent sa rédaction, la tradition musulmane soutient qu’il est la parole incréée, éternelle et inaltérable d’Allah, son ultime et définitive révélation à l’humanité, pure de toute influence humaine.

Par contre, cette même tradition affirme que les révélations précédentes, Ancien et Nouveau Testaments, ont été altérées par les mains mêmes des Juifs et des chrétiens. Pour soutenir cette affirmation, ils s’appuient sur les versets du Coran suivants, cités à partir de notre traduction :

2:75. Convoitez-vous donc qu’ils vous croient, bien qu’un groupe parmi eux écoutât les paroles de Dieu, et ensuite les dévie [de leurs positions] après qu’il les a raisonnées, alors qu’il savait ?

أَفَتَطۡمَعُونَ أَن يُؤۡمِنُواْ لَكُمۡ، وَقَدۡ كَانَ فَرِيقٞ مِّنۡهُمۡ يَسۡمَعُونَ كَلَٰمَ ٱللَّهِ، ثُمَّ يُحَرِّفُونَهُۥ مِنۢ بَعۡدِ مَا عَقَلُوهُ، وَهُمۡ يَعۡلَمُونَ؟

2:79: Malheur à ceux qui écrivent le livre de leurs propres mains, puis disent : « Ceci est de la part de Dieu », afin de le troquer contre un petit prix ! Malheur à eux à cause de ce que leurs mains ont écrit ! Et malheur à eux pour ce qu’ils réalisent !

فَوَيۡلٞ لِّلَّذِينَ يَكۡتُبُونَ ٱلۡكِتَٰبَ بِأَيۡدِيهِمۡ، ثُمَّ يَقُولُونَ: «هَٰذَا مِنۡ عِندِ ٱللَّهِ»، لِيَشۡتَرُواْ بِهِۦ ثَمَنٗا قَلِيلٗا! فَوَيۡلٞ لَّهُم مِّمَّا كَتَبَتۡ أَيۡدِيهِمۡ! وَوَيۡلٞ لَّهُم مِّمَّا يَكۡسِبُونَ!

2:174: Ceux qui taisent ce que Dieu a fait descendre du livre et le troquent contre un petit prix, ceux-là ne mangent que du feu dans leur ventre. Dieu ne leur parlera pas, au jour de la résurrection, ni ne les épurera. Et ils auront un châtiment affligeant. (Pour les autres versets, voir ​1​)

إِنَّ ٱلَّذِينَ يَكۡتُمُونَ مَآ أَنزَلَ ٱللَّهُ مِنَ ٱلۡكِتَٰبِ وَيَشۡتَرُونَ بِهِۦ ثَمَنٗا قَلِيلًا، أُوْلَٰٓئِكَ مَا يَأۡكُلُونَ فِي بُطُونِهِمۡ إِلَّا ٱلنَّارَ. وَلَا يُكَلِّمُهُمُ ٱللَّهُ، يَوۡمَ ٱلۡقِيَٰمَةِ، وَلَا يُزَكِّيهِمۡ. وَلَهُمۡ عَذَابٌ أَلِيمٌ.

Juifs et chrétiens ont altéré leurs Ecritures

Les musulmans ont pour principe général de juger les livres sacrés juifs et chrétiens à l’aune du Coran, selon une méthode qui leur est propre.

Dans les récits qui le constituent, l’Ancien Testament, rapporte le comportement immoral de certains hommes. Mais le Coran, qui considère ces mêmes hommes comme des prophètes, passe sous silence ces comportements répréhensibles parce qu’ils sont jugés indignes de prophètes. À partir de cette conception idéale du prophète, les musulmans tirent la conclusion que l’Ancien Testament a été altéré.

La même méthode est appliquée au Nouveau Testament puisque le Coran, en Sourate 4.157 nie la crucifixion de Jésus :

« Et parce qu’ils ont dit : « Nous avons tué le Messie Jésus, fils de Marie, l’envoyé de Dieu ». Or ils ne l’ont ni tué, ni crucifié. Mais il leur a semblé. Ceux qui ont divergé à son propos sont dans le doute à son sujet. Ils n’en ont aucune connaissance, sauf à suivre la présomption. Et ils ne l’ont certainement pas tué ».

وَقَوۡلِهِمۡ: «إِنَّا قَتَلۡنَا ٱلۡمَسِيحَ عِيسَى، ٱبۡنَ مَرۡيَمَ، رَسُولَ ٱللَّهِ». وَمَا قَتَلُوهُ وَمَا صَلَبُوهُ. وَلَٰكِن شُبِّهَ لَهُمۡ. وَإِنَّ ٱلَّذِينَ ٱخۡتَلَفُواْ فِيهِ لَفِي شَكّٖ مِّنۡهُ. مَا لَهُم بِهِۦ مِنۡ عِلۡمٍ، إِلَّا ٱتِّبَاعَ ٱلظَّنِّ. وَمَا قَتَلُوهُ يَقِينَۢا

Si les Évangiles affirment que Jésus a été crucifié, contrairement à ce qu’en dit le Coran, les musulmans considèrent qu’ils tiennent là la preuve que les chrétiens ont altéré le Nouveau Testament. Ici encore, ils considèrent que mourir crucifié est un sort absolument indigne d’un prophète comme Jésus, et que, par conséquent, les chrétiens ont falsifié leurs Écritures.

Le Coran est préservé de toute altération

Les musulmans sont très heureux d’affirmer que le Coran, contrairement aux Livres sacrés juifs et chrétiens, a été préservé de toute altération. Ils adossent une telle certitude à la Sourate 15:9 :

« C’est nous qui avons fait descendre le rappel (le Coran), et c’est nous qui le préservons. »

إِنَّا نَحۡنُ نَزَّلۡنَا ٱلذِّكۡرَ، وَإِنَّا لَهُۥ لَحَٰفِظُونَ.

Al-Muntakhab, exégèse de l’Al-Azhar, écrit : « Afin que l’appel à la vérité soit maintenu jusqu’au jour de la résurrection, nous n’avons pas fait descendre les anges, mais le Coran qui doit toujours être rappelé aux gens. Nous le préservons de tout changement, ajout ou diminution jusqu’au jour de la résurrection ».

Al-Tafsir al-muyassar, exégèse approuvée par l’Arabie saoudite, déclare : « Nous avons révélé le Coran au prophète Mahomet, et nous nous engageons à le préserver de tout ajout, diminution ou perte ».

Dans son exégèse Al-Kashshaf, Al-Zamakhshari (décédé en 1144) précise :  » L’affirmation, “C’est nous qui avons fait descendre le rappel”, est une réponse au déni et à la moquerie des mécréants : “Ils dirent : « Ô toi sur qui est descendu le rappel, tu es possédé d’un djinn !” (Coran 15:6).

Par ces mots, Dieu affirme de manière catégorique et définitive, que c’est lui-même qui l’a fait descendre, et que c’est lui qui l’a envoyé avec Gabriel, bien escorté par-devant et par-derrière, jusqu’à ce qu’il soit descendu et transmis, bien protégé des satans. C’est lui qui le préserve en tout temps de tout ajout, diminution, altération ou changement, contrairement aux livres antérieurs qui n’ont pas été préservés par lui. Ce sont les chefs religieux juifs et chrétiens qui en avaient la garde mais ils ont eu des désaccords, d’où leur altération (tahrif). Dieu n’a pas confié la garde du Coran à d’autres que lui-même.

Lorsque je dis que l’affirmation “C’est nous qui avons fait descendre le rappel” est une réponse au déni et à la moquerie des mécréants. Quel est alors le lien avec l’affirmation “et c’est nous qui le préservons” ? Je réponds que cela constitue une preuve que le Coran est descendu de sa part en tant que prodige. Car s’il ne s’agissait que d’une parole humaine dépourvue de caractère prodigieux, alors le Coran aurait subi ajouts et retranchements, comme cela a été le cas de toutes autres paroles (adressées aux Juifs et aux chrétiens). »

Lire aussi: Coran: Parole incréée, éternelle, inaltérable et explicite d’Allah

Mais dans quelle mesure l’affirmation selon laquelle le Coran a été préservé de tout ajout, retranchement ou perte supporte-t-elle l’examen ?

Toute personne qui prétend que le Coran a subi des ajouts ou des retranchements est considérée comme mécréante et passible de la peine de mort

Généralement, les chiites sont accusés d’avoir allégué l’altération du Coran. C’est pourquoi des sunnites mènent une campagne hostile contre eux. Une citation du livre Les chiites et l’altération du Coran en témoigne :

« O chiites duodécimains, la foi en l’authenticité du Saint Coran est l’un des fondements et piliers de la religion. Celui qui le nie, ne fût-ce que pour une seule lettre, nie le Coran et un des fondements de la religion. Celui qui ne croit pas à la préservation du Coran, nie le Coran et met en échec la sharia rapportée par le Messager de Dieu. Car à partir de là, il devient concevable que des versets du Coran aient pu être altérés. Et en présence d’une telle possibilité, les croyances deviennent nulles, car la foi ne peut exister qu’en présence de certitudes ».

L’auteur ajoute : “De grands savants sunnites ont déclaré que quiconque croyait que le Coran a subi ajouts ou retranchements quitte l’islam”. Il cite à ce propos un certain nombre de juristes musulmans qui considèrent que cette personne est mécréante et mérite la mort.

En réalité, certains sunnites et chiites admettent que des versets et des chapitres du Coran ont été perdus ou n’y ont pas trouvé leur place comme les développements qui suivent vont le montrer.

Le Coran d’aujourd’hui et le nombre de ses versets

Le Coran actuel est constitué de cent quatorze chapitres dont quatre-vingt-six révélés à La Mecque et vingt-huit reçus à Médine, classés de façon décroissante, sans aucune logique claire, plus ou moins selon leur longueur. En outre, des versets médinois ont été intégrés dans trente-cinq chapitres mecquois, sans qu’on sache pourquoi. Tout cela rend la compréhension du Coran particulièrement difficile.

Quant aux versets du Coran, leur nombre varie selon les versions et les éditions qui en sont données. Ainsi,

  • Le Coran le plus répandu, édité en Égypte et en Arabie saoudite, selon la lecture de Hafs, comporte 6236 versets.
  • La version éditée au Maroc, selon la lecture de Warsh, en comporte 6214;
  • celle éditée au Soudan, selon la lecture d’Al-Douri, 6204;
  • celle publiée dans l’Empire ottoman vers 1880, 6344 et
  • le Coran publié par Gustav Flügel en 1834, 6238.

Ces différences n’impliquent pas que le texte coranique diffère d’une région à l’autre. Cela signifie que des passages du Coran ont été divisés en versets de longueurs différentes. En effet, sur un même fragment de texte, certains ont vu deux versets là où d’autres n’en ont vu qu’un, ce qui explique, en partie, la différence en nombre de versets d’une version à une autre. Maintenant, si on croit que le texte original du Coran se trouve dans un coffre auprès de Dieu, la question se pose de savoir laquelle de ces versions lui correspond ?

Ce que certains considèrent comme ne faisant pas partie du Coran

Comme nous l’avons vu, les musulmans affirment que le Coran n’a subi aucune altération, c’est-à-dire ni ajout ni retranchement. En soutien de cette conviction, ils invoquent la Sourate 15:9 : “C’est nous qui avons fait descendre le rappel, et c’est nous qui le préservons”.

Cette croyance musulmane se heurte cependant aux sources islamiques qui rapportent le cas de musulmans ayant retiré du Coran certains chapitres ou versets parce qu’ils ont considéré qu’ils n’en faisaient pas partie.

Abdullah Ibn Massoud, par exemple, a contesté l’intégration des deux derniers chapitres du Coran voulue par la Commission instituée par le Calife Uthman. Il estimait également que le premier chapitre du Coran (Al-Fatiha) était une simple prière qui n’avait pas sa place dans le « Livre ». Le Coran, selon Ibn Massoud, avait 111 chapitres et non 114 comme la version d’Uthman qui fait autorité aujourd’hui encore.

À ce sujet, Al-Suyuti écrit : “Ibn Massoud nie que le premier chapitre et les deux derniers appartiennent au Coran. Celle allégation est extrêmement grave. Si nous affirmons que la transmission du Coran était récurrente à l’époque des compagnons de Mahomet, la mécréance d’Ibn Massoud est évidente. Et si nous disons que la transmission n’était pas récurrente à cette époque-là, cela signifie qu’elle n’a jamais eu lieu”.

Il faut noter que le Coran d’Ibn Massoud était répandu à Kufa. Il a en effet refusé de le livrer au Calife Uthman pour qu’il soit brûlé. Il considérait son texte meilleur que celui établi par Zayd bin Thabit.  Il était de plus convaincu que c’était lui qu’on aurait dû choisir pour réunir le Coran, car il avait embrassé l’islam à La Mecque avant même que Zayd soit né.

Al-Yaqoubi note : « Uthman a réuni le Coran et l’a compilé, plaçant les chapitres par ordre de longueur. Il a exigé qu’on lui remette les Corans en usage dans toutes les régions, puis il les a fait bouillir dans de l’eau mélangée de vinaigre. Selon d’autres il les aurait brûlés. Lorsqu’il entra dans la mosquée où prêchait Uthman, on s’est saisi d’Ibn Massoud puis on l’a traîné par les pieds, le laissant avec deux côtes cassées. Pourtant, son coran a continué de circuler jusqu’en 389 de l’Hégire. Il a finalement été brûlé après la sédition des chiites contre les sunnites à Bagdad. Dans Al-Mabsut, Al-Sarkhasi écrit : “Nous avons prouvé que la lecture du Coran d’Ibn Massoud s’est maintenue dans le temps car elle a été reconnue jusqu’à l’époque d’Abou Hanifa”.

D’autres qu’ibn Massoud ont remis en cause la constitution du Coran. Les Mutazilites estimaient que le chapitre 111 (Al-Massad) ne faisait pas partie du Coran. Les Kharijites, de leur côté, ont vu dans le chapitre 12 (Yusuf) une histoire d’amour indigne du « Livre ».

Le Dr Rashad Khalifa, un kabbaliste musulman inventeur de la théorie du chiffre 19 basée sur les versets 74 : 27-30, estime que les versets 9:128 et 129 ne font pas partie du Coran parce qu’ils faussent ses calculs. Il les a donc exclus de sa traduction anglaise du Coran. Son disciple Edip Yuskel a adopté la même position pour sa traduction anglaise du Coran. Ces deux « coranistes » considéraient les deux versets suivants comme diaboliques.

H-113/9:128: Un envoyé pris parmi vous est venu à vous, pour qui il est difficile (à supporter) que vous soyez accablés, veillant sur vous, compatissant, très miséricordieux envers les croyants.

H-113/9:129: S’ils tournent alors le dos [à la foi], dis : « Dieu me suffit. Il n’est de dieu que lui. Je me confie à lui. Il est le Seigneur du très grand trône ».

D’après les sunnites, la moitié du Coran a disparu

Les sources islamiques indiquent que, chaque année, et jusqu’à la mort du Prophète, l’Ange Gabriel avait l’habitude de réviser le Coran avec lui. Lors de ces révisions, il a supprimé un certain nombre de versets.

Cette légende mise à part, Al-Suyuti (mort en 1505) nous apprend que le chapitre 33 (Al-Ahzab) comptait deux cents versets, voire plus que le nombre des versets du chapitre 2 (Al-Baqarah), qui en comprend deux cent quatre-vingt-six. Or, actuellement, cette sourate n’a que soixante-treize versets. Où sont passés les deux cent treize versets manquants ?

Al-Suyuti cite d’autres cas similaires et rapporte les propos du fils du Calife Omar qui aurait déclaré : “Aucun de vous ne devrait dire qu’il a tout le Coran. D’ailleurs, que sait-on de tout le Coran ? Beaucoup en a disparu. Il vaudrait mieux dire : j’ai pris du Coran ce qui paraît en faire partie”.

Il faut remarquer que le chapitre 9 (Al-Tawbah, qui comporte cent vingt-neuf versets) est le seul à ne pas commencer par la Basmalah: “Au nom de Dieu, le tout miséricordieux, le très miséricordieux”. À ce sujet, Malik bin Anas dit que de nombreux versets de ce chapitre ont disparu en même temps que la Basmalah. D’autres estiment que les versets actuels de cette sourate ne représentent qu’un quart de ce que comptait l’original. Cela signifierait que trois cent quatre-vingt-sept versets ont disparu.

Signalons aussi qu’Ibn Ka’b a ajouté au Coran deux chapitres qui n’y figurent plus : Al-Khul’ et Al-Hafd. Certains musulmans dont Ibn-Abbas, Abu Musa Al-Ash’ari, Anas Ibn Malik, Ibrahim Al-Nakha’i, Sufyan Al-Thawri, Hassan Al-Basri, ont soutenu sa décision. Le Calife Omar Ibn Al-Khattab avait l’habitude de lire ces deux chapitres pendant la prière et Jalal al-Din al-Suyuti les a placés à la fin de son exégèse Al-Dur al-manthur, estimant qu’il s’agissait bien de deux chapitres du Coran.

Si nous nous basons sur les écrits fiables des sunnites, nous pouvons dire que le Coran actuel ne représente que la moitié du Coran révélé à Mahomet. Mais c’est compter sans l’avis des chiites à ce sujet.

Les chiites soutiennent que deux tiers du Coran ont disparu

Al-Kulayni, surnommé “La confiance de l’islam” (décédé en 941), déclare : “Le Coran que l’Ange Gabriel a apporté à Muhammad est de dix-sept mille versets”. Or, le Coran actuel n’en compte que 6236. Cet auteur conclut donc que près des deux tiers du Coran ont disparu. Évoquant le Coran de Fatima, Al-Kulayni affirme : “C’est un coran qui contient trois fois votre coran. Par Dieu, il n’y est aucune lettre de votre coran”.

Al-Fayd Al-Kashani (mort en 1680) précise, dans la sixième introduction à son exégèse “Al-Safi” : “Le Coran que nous avons n’est pas dans son intégralité tel qu’il a été révélé à Mahomet. Il s’y trouve des éléments contraires à ce que Dieu a révélé et il a été altéré. Beaucoup de choses en ont été omises, y compris le nom d’Ali dans de nombreux endroits. D’autre part, il n’est pas organisé comme Dieu et son messager l’ont agréé […], ce qui pose un problème : il ne nous est pas possible de nous baser sur ce Coran, parce que chacun de ses versets peut avoir été altéré (muharraf) et changé, et ne correspond donc pas au Coran que Dieu a fait descendre. Par conséquent, il nous est impossible d’argumenter à partir de ce Coran qui devient de ce fait inutile”.

Certains chiites accusent le calife Uthman (décédé en 656) d’avoir supprimé ou modifié les textes coraniques faisant référence à Ali (décédé en 661), son rival politique. D’après eux, des versets, voire des chapitres entiers, ont disparu ou ont été retranchés du Coran. Un écrivain sunnite cite deux cent huit exemples d’altérations recensées par les chiites. Mais un auteur chiite lui répond en avançant qu’il existe bien plus d’altérations dans les livres sunnites.

Selon les chiites, les chapitres Al-Wilayah et Al-Nurayn, ont été supprimés du Coran d’Uthman pour nier la priorité d’Ali Ibn Abi-Talib comme successeur de Mahomet. Ces deux chapitres figurent encore dans de vieilles éditions chiites du Coran, et il est possible de les trouver sur Internet.

Conséquences de la perte de parties considérable du Coran

La perte de grandes parties du Coran a provoqué sa dislocation et rend sa compréhension difficile.

Prenez, par exemple, le 2e chapitre (Al-Baqara). Créez un index de son contenu et recherchez les liens entre ses éléments. Vous constaterez vite que le texte “saute du coq à l’âne” sans raison valable.

On observe cette incohérence parfois dans un même verset, par exemple le verset 4 de la quatrième sourate : “Si vous craignez de n’être pas équitables envers les orphelins, épousez les femmes qui vous plurent : deux, trois et quatre. Mais si vous craignez de n’être pas justes, alors une seule, ou ce que vos mains droites possédèrent. Cela est le moindre pour ne pas opprimer”.

Quelle est la relation entre les orphelins et le mariage avec plusieurs femmes ?

Autre exemple : Sourate 5.1 : “Ô vous qui avez cru ! Remplissez vos engagements. Vous ont été permises les (bêtes) des bétails, sauf ce qui vous est récité. Ne vous permettez point le gibier alors que vous êtes en état d’interdiction. Dieu juge ce qu’il veut”.

Quelle relation y a-t-il entre le respect des engagements pris et les tabous alimentaires ? Aucune ! Cela tend à prouver qu’une partie du texte coranique a été perdue.

Conclusion du cheikh Mustafa Rashid

Dans un article intitulé “Les versets manquants”, le cheikh égyptien Mustafa Rashid aborde la situation du texte coranique. Voici son avis sur la question :

« Le Coran appelé Mushaf Uthman, dont nous disposons présentement, est ce que le Calife Uthman a pu ou voulu collecter. Il a privilégié sa version et brûlé les autres Corans tels que le Mushaf d’Abdullah Ibn Massoud, celui d’Ibn Abbas, celui d’Aisha, et de bien d’autres. Cette manière de faire lui a valu d’être mis au rang des mécréants (kafir) par des Compagnons (du Prophète) et des musulmans à la tête desquels Aïcha, l’épouse préférée de Mahomet. Ils ont exigé sa mise à mort et, après l’avoir tué, se sont opposés à ce qu’il soit enterré dans un cimetière musulman. Sa dépouille a ainsi fini au cimetière juif du quartier de Hash Kawkab à Médine.

Il y a un fait que nous ne pouvons nier : il manque de nombreux versets à ce Coran. L’honnêteté nous oblige à reconnaître qu’il est incomplet, et quiconque prétend le contraire est ignorant ou menteur envers Dieu. Voilà la vraie mécréance ! Que Dieu nous en préserve ! »

Les sources islamiques confirment que le Calife Uthman a été assassiné en raison de son altération du Coran. C’est ce que Muhammad, fils du Calife Abu Bakr lui a reproché avant de lui asséner le coup de grâce.

Sami Aldeeb, Dr en droit
Directeur du Centre de droit arabe et musulman https://www.sami-aldeeb.com
Traducteur du Coran en français, en anglais et en italien par ordre chronologique
Voir ses écrits : https://www.sami-aldeeb.com/livres-books


Notes

  1. ​1​
    3:78: Il y a parmi eux un groupe qui retourne leur langue avec le livre pour que vous pensiez que cela est du livre, alors qu’il n’est point du livre. Ils disent : « Ceci est de la part de Dieu », alors qu’il n’est pas de la part de Dieu. Ils disent les mensonges sur Dieu, alors qu’ils savent. وَإِنَّ مِنۡهُمۡ لَفَرِيقٗا يَلۡوُۥنَ أَلۡسِنَتَهُم بِٱلۡكِتَٰبِ لِتَحۡسَبُوهُ مِنَ ٱلۡكِتَٰبِ، وَمَا هُوَ مِنَ ٱلۡكِتَٰبِ. وَيَقُولُونَ: «هُوَ مِنۡ عِندِ ٱللَّهِ »، وَمَا هُوَ مِنۡ عِندِ ٱللَّهِ. وَيَقُولُونَ عَلَى ٱللَّهِ ٱلۡكَذِبَ وَهُمۡ يَعۡلَمُونَ. 3:199: Il y a parmi les gens du livre ceux qui croient en Dieu, en ce qui est descendu sur vous, et en ce qui est descendu sur eux, prostrés devant Dieu, ne troquant pas les signes de Dieu contre un petit prix. Ceux-là auront leur salaire auprès de leur Seigneur. Dieu est prompt dans le compte. وَإِنَّ مِنۡ أَهۡلِ ٱلۡكِتَٰبِ لَمَن يُؤۡمِنُ بِٱللَّهِ، وَمَآ أُنزِلَ إِلَيۡكُمۡ، وَمَآ أُنزِلَ إِلَيۡهِمۡ، خَٰشِعِينَ لِلَّهِ، لَا يَشۡتَرُونَ بِ‍َٔايَٰتِ ٱللَّهِ ثَمَنٗا قَلِيلًا. أُوْلَٰٓئِكَ لَهُمۡ أَجۡرُهُمۡ عِندَ رَبِّهِمۡ. إِنَّ ٱللَّهَ سَرِيعُ ٱلۡحِسَابِ. 4:46 : Parmi les juifs il y a ceux [qui] dévient les paroles de leurs positions مِّنَ ٱلَّذِينَ هَادُواْ يُحَرِّفُونَ ٱلۡكَلِمَ عَن مَّوَاضِعِهِۦ 5:13 : Comme ils ont rompu leur engagement, nous les avons maudits, et avons fait leurs cœurs endurcis. Ils dévient les paroles de leurs positions, et ont oublié une partie de ce qui leur a été rappelé. Tu ne cesseras de voir une trahison de leur part, sauf peu parmi eux. Gracie-les donc, et absous. Dieu aime les bienfaisants. فَبِمَا نَقۡضِهِم مِّيثَٰقَهُمۡ، لَعَنَّٰهُمۡ، وَجَعَلۡنَا قُلُوبَهُمۡ قَٰسِيَةٗ. يُحَرِّفُونَ ٱلۡكَلِمَ عَن مَّوَاضِعِهِ، وَنَسُواْ حَظّٗا مِّمَّا ذُكِّرُواْ بِهِۦ. وَلَا تَزَالُ تَطَّلِعُ عَلَىٰ خَآئِنَةٖ مِّنۡهُمۡ، إِلَّا قَلِيلٗا مِّنۡهُمۡ. فَٱعۡفُ عَنۡهُمۡ، وَٱصۡفَحۡ. إِنَّ ٱللَّهَ يُحِبُّ ٱلۡمُحۡسِنِينَ. 5:41 : Ô envoyé ! Qu’ils ne t’attristent pas ceux qui s’empressent dans la mécréance parmi ceux qui dirent : « Nous avons cru » avec leurs bouches, alors que leurs cœurs n’ont pas cru. Il en est parmi les Juifs [un groupe] qui écoute le mensonge, [t’] écoute [pour dire des mensonges sur toi à] d’autres gens qui ne sont jamais venus à toi, et [il y a un groupe qui] dévie les paroles de leurs positions [après qu’il les a raisonnées يَٰٓأَيُّهَا ٱلرَّسُولُ! لَا يَحۡزُنكَ ٱلَّذِينَ يُسَٰرِعُونَ فِي ٱلۡكُفۡرِ مِنَ ٱلَّذِينَ قَالُوٓاْ: «ءَامَنَّا» بِأَفۡوَٰهِهِمۡ، وَلَمۡ تُؤۡمِن قُلُوبُهُمۡۛ. وَمِنَ ٱلَّذِينَ هَادُواْۛ سَمَّٰعُونَ لِلۡكَذِبِ، سَمَّٰعُونَ لِقَوۡمٍ ءَاخَرِينَ لَمۡ يَأۡتُوكَ، يُحَرِّفُونَ ٱلۡكَلِمَ مِنۢ بَعۡدِ مَوَاضِعِهِۦ. 6:91: Ils n’ont pas mesuré Dieu sa vraie mesure lorsqu’ils dirent: «Dieu n’a rien fait descendre sur un humain». Dis : « Qui a fait descendre le livre avec lequel Moïse est venu comme lumière et direction pour les humains ? Vous le recueillez [dans] des feuillets, [dont] vous faites apparaître [ce que vous voulez], et [dont] vous cachez beaucoup, alors que vous avez été enseigné ce que vous ne saviez pas, ni vous ni vos pères ». Dis : « C’est Dieu ». Ensuite laisse-les jouer dans leurs divagations. وَمَا قَدَرُواْ ٱللَّهَ حَقَّ قَدۡرِهِۦٓ، إِذۡ قَالُواْ: «مَآ أَنزَلَ ٱللَّهُ عَلَىٰ بَشَرٖ مِّن شَيۡءٖ». قُلۡ: «مَنۡ أَنزَلَ ٱلۡكِتَٰبَ ٱلَّذِي جَآءَ بِهِۦ مُوسَىٰ نُورٗا وَهُدٗى لِّلنَّاسِ؟ تَجۡعَلُونَهُۥ قَرَاطِيسَ، تُبۡدُونَهَا وَتُخۡفُونَ كَثِيرٗا، وَعُلِّمۡتُم مَّا لَمۡ تَعۡلَمُوٓاْ6، أَنتُمۡ وَلَآ ءَابَآؤُكُمۡ». قُلِ: «ٱللَّهُ». ثُمَّ ذَرۡهُمۡ فِي خَوۡضِهِمۡ يَلۡعَبُونَ.

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