Da’wah, tel est le nom de l’appel islamique à la foi. Chaque musulman est responsable de contribuer à la domination totale d’Allah sur le monde. Comme la sourate 2.142 le spécifie : « A Allah appartiennent l’Orient et l’Occident. Il guide qui il veut vers un chemin droit ». C’est ce que chaque musulman doit proclamer.
Le concept de Da’wah tire sa signification du verbe arabe da’a = appeler, inviter. La Da’wah est donc un devoir impératif pour tous les musulmans. Elle consiste à inviter les autres à accepter la vérité de l’Islam. Ce devoir est obligatoire. Il implique d’appeler chacun à la soumission totale au Dieu unique, Muhammad ayant ainsi défini sa volonté et sa voie. Cela inclut aussi l’idée de rejeter toute incrédulité et tout ce qu’on associe à Allah. Cela suppose également la confession publique : « Il n’y a pas d’autre Dieu qu’Allah, et Mohammed est l’Apôtre (Messager) d’Allah. » Cette responsabilité est obligatoire et applicable également dans un contexte laïc occidental. La sourate 16:126 (125) y fait allusion : « Appelle à la voie de ton Seigneur avec sagesse et une juste exhortation, et raisonne avec eux de la meilleure manière. Ton Seigneur connaît mieux celui qui s’écarte de sa voie, et Il connaît mieux ceux qui vont dans le droit chemin. » (Pickthall).
Les faiseurs d’opinion musulmans et les principaux dirigeants d’organisations islamiques déploient beaucoup d’efforts pour guider les fidèles afin qu’ils remplissent l’obligation de la Da’wah. Ils encouragent les moyens verbaux et non-verbaux de présenter un style de vie islamique, par la manière de s’habiller, par exemple. La liste de leurs demandes comprend l’autorisation de faire l’appel à la prière par haut-parleur. La Da’wah concerne à la fois « La maison de l’Islam » (les pays musulmans) et « La maison de la guerre » (les pays non-musulmans). La Da’wah intègre le concept de Jihad qui, au début du XXIe siècle, a acquis une nouvelle signification dans les discussions internes à l’islam. Faute de pouvoir le traiter de manière approfondie dans cet article, nous n’aborderons pas cet aspect.
Le Coran appelle tout le monde au travail de la Da’wah et l’Occident fait partie de l’agenda des activistes musulmans. Chaque musulman, et l’ensemble de la communauté musulmane, ont la responsabilité d’y participer.
En consultant les différents sites web islamiques, on se rend compte qu’il existe un énorme réseau de relations sur ces questions. La Da’wah fait l’objet d’une sensibilisation croissante, tant au niveau local que mondial. Ce qu’on pense et enseigne à La Mecque, à Médine, au Caire ou dans tout autre centre islamique du monde, influence substantiellement les musulmans pratiquants en Occident.
Le Coran affirme que l’Islam est la religion finale, corrigeant toutes les croyances précédentes et les remplaçant (par exemple 3:85 et suivants). L’appel à accepter l’islam s’adresse donc aussi aux « gens du livre » , les juifs et les chrétiens. L’islam considère que toutes les croyances qui l’ont précédé sont déficientes. L’avènement de l’islam les a rendue superflues et caduques (3:110ff). L’islam exclut l’idée que d’autres religions puissent lui être égales. Même les religions dites « abrahamiques » (judaïsme, christianisme) ne lui sont pas comparables. Du point de vue musulman, l’islam est la seule et unique religion. C’est la raison pour laquelle le Coran parle de religion toujours au singulier (3:19 ; 3:85 ; 48:28).
Pour des raisons tactiques liées à la Da’wah, les musulmans ne font pas allusion à cet aspect dans la conversation, mais c’est le point dont ils souhaitent convaincre leurs interlocuteurs. Ils considèrent en effet chaque non-musulman comme un musulman potentiel qu’il n’est pas nécessaire de guider vers une « nouvelle foi ». Il s’agit plutôt de le « ramener « à la vraie foi, corrompue par ses ancêtres et ceux qui l’ont instruit. L’islam considère tout nouveau-né comme musulman par nature, dont l’éducation non-musulmane qu’il a reçu l’a aliéné (30:30)3. En effet, seul l’islam est l’authentique religion. C’est pourquoi beaucoup de convertis occidentaux à l’Islam ne parlent pas de leur « conversion » mais plutôt de leur « retour » à l’Islam. Ils affirment qu’en acceptant l’islam, ils ont retrouvé la foi authentique et parfaite.
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Da’wah : effort pour Allah
Mais la Da’wah, et tous les exercices de relations publiques et de publicité qui l’accompagnent, ne vise pas à faire un maximum de convertis dans le temps le plus court. Elle vise à établir des structures et des institutions islamiques dans la société, ou à les influencer et les modifier, obtenant ainsi plus de droits pour l’Islam et de meilleures conditions pour les musulmans. Par le biais de la Da’wah, les musulmans veulent forcer les sociétés laïques à prendre les questions religieuses plus au sérieux et à renoncer à leur neutralité religieuse. Après tout, une société ne doit-elle pas intégrer les questions et les programmes islamiques si l’on veut qu’elle surmonte l’incrédulité et l’ignorance ?
Pour atteindre cet objectif, les dirigeants et les faiseurs d’opinion islamiques considèrent qu’ils doivent maintenir un gouvernement démocratiquement élu, la société ainsi que les médias et les institutions juridiques, constamment occupés par un agenda musulman touchant à tous les aspects de la vie. C’est sous cet angle qu’il faut comprendre la lutte pour l’autorisation du foulard islamique pour les fonctionnaires des écoles publiques, une demande qui, en Allemagne est allée jusqu’à la Cour suprême constitutionnelle. La conférence de presse du « Conseil central des musulmans d’Allemagne » (ZMD), qui s’est tenue à Berlin en février 2003, servait les mêmes objectifs : On y présenta la « Charte islamique » comme une opération de relations publiques de la Da’wah islamique.
Le désir des musulmans vivant en Allemagne de clarifier leur relation avec la société paraît parfaitement louable. Mais il faut comprendre que le « Conseil central des musulmans d’Allemagne » s’inspire de la « Charte de Médine ». Cette charte, que Muhammad a négociée peu après son arrivée dans cette ville en 622, sert, aujourd’hui encore, de modèle aux leaders d’opinion et aux stratèges musulmans.
Pour ne pas succomber à une conception angélique de l’islam, nous devrions examiner plus attentivement ses textes fondateurs. Nous devons davantage prendre au sérieux l’islam historique et ses expressions théologiques et politiques contemporaines afin d’évaluer correctement la rhétorique et les opinions exprimées par les penseurs musulmans contemporains. La redéfinition du concept de « jihad » , la lutte pour la cause d’Allah, qu’elle soit offensive ou défensive, met en lumière un aspect de la pensée actuelle sur la Da’wah. Une partie de cet effort consiste à réécrire et à réinterpréter l’histoire en soutenant l’idée que le « jihad » aurait été un « exercice pacifique, une sorte de « combat spirituel » pour la purification de l’âme.
La « Charte de Médine », qui couvre la période de dix ans pendant laquelle Muhammad a vécu à Médine, est pour de nombreux musulmans d’aujourd’hui, en particulier les tenants de l’islam politique, un modèle pertinent. Au cours de cette période, Muhammad a en effet montré comment, en mélangeant sans cesse les cartes politiques, on peut réussir à « transformer progressivement les structures d’une société » au profit de la communauté musulmane.
Pour les islamistes, la période initiale du « Prophète à Médine » est une période idéale qu’ils souhaitent réinstaurer, car, pour eux, elle illustre l’unité de l’État et de la religion, seule garantie de la pureté de la foi. On peut donc deviner quelles autres questions les stratégies de la Da’wah visant à soumettre toute une société au programme de reformatage islamique peut soulever.
Sur les quelque 3,2 millions de musulmans que compte l’Allemagne, 500 à 700 000 d’entre eux ont la nationalité allemande. L’Islam n’est donc plus une question de réfugiés et d’immigrants. En tant que communauté religieuse, les musulmans vont s’efforcer d’obtenir un statut égal à celui de tous les autres membres de la société. Il faut s’attendre à ce que, dans les années à venir, l’islam interpelle de plus en plus l’Église et la société, tant sur le plan théologique que sociopolitique.
C’est ce qu’illustre un commentaire de Mehmet Sabri Erbakan, l’ancien président de l »Association islamique « Milli Görüs » (IGMG). A propos de la décision de la Cour constitutionnelle fédérale sur l’abattage rituel islamique, il a déclaré : « Pour la première fois, la Cour constitutionnelle fédérale a dû examiner comment intégrer les commandements islamiques dans le système juridique allemand » . Un citoyen allemand ordinaire supposerait que l’ « intégration » d’une communauté minoritaire implique qu’elle assimile la culture dominante et adopte son mode de vie. Mais c’est justement ce qu’on ne peut attendre d’un musulman conscient de sa responsabilité de participer à la Da’wah. Il utilise plutôt le concept d’ « intégration » comme un moyen d’obtenir autant de concessions et d’espaces de manœuvre que possible pour l’Islam. Ainsi, plus on lui accorde de concessions, plus une société « intégrée » parallèle se forme. À cet égard, il convient d’examiner le rôle des convertis à l’islam pour comprendre qu’il existe un « agenda caché » , puisque beaucoup sont pleinement conscients de leur responsabilité vis-à-vis de la Da’wah et l’expriment par leurs écrits.
L’Islam : Religion, éthique et ordre social
L’Islam n’accepte pas d’être limité au domaine de la vie privée. C’est plutôt une combinaison de foi et de politique, d’économie et d’éthique. De ce fait, le monde musulman considère l’Occident sécularisé et postmoderne comme une entité décadente. Une partie de la stratégie de la Da’wah vise donc à trouver les moyens de contrer les influences corruptrices de la société occidentale sur la foi musulmane.
L’Islam s’affirme comme une « voie à sens unique » quand il est question de conversion à une autre foi ou de rejet de la foi islamique. Les quatre écoles juridiques considèrent que l’apostasie est un crime méritant la mort. Les musulmans sont donc extrêmement méfiants vis-à-vis des chrétiens qui cherchent à les évangéliser. L’islam regarde les Croisades, le Colonialisme et la Mission chrétienne comme les péchés capitaux de l’Occident. Et bien des musulmans voient dans la mondialisation qu’a initié l’Occident et dans l’hégémonie de sa culture, de son économie et de sa politique les raisons de la corruption du monde musulman. C’est pourquoi la Da’wah en Occident veut être une riposte à cette influence délétère.
Dans ce but, on a appelé à la rescousse les meilleurs penseurs pour analyser le contexte culturel et pour discerner les forces et faiblesses de l’Occident. Des stratégies coordonnées de Da’wah sont développées. Elles comprennent, entre autres, l’usage de questions sémantiques afin d’islamiser le contexte et de l’imprégner des concepts de la pensée islamique. Il est intéressant de lire à ce propos les efforts d’Ismail Raji al Faruqi qui souhaite intégrer la terminologie islamique dans la langue allemande.
Ces « traductions islamiques » créent de nouveaux « idiomes » dans le vocabulaire allemand, comme par exemple « Mitgöttergebende « , c’est-à-dire les polythéistes, coupables de shirk (polythéisme). D’autre part, vous avez quelqu’un comme Amir Zaidan, qui semble s’être donné pour objectif d’introduire dans la langue allemande le plus grand nombre possible de termes et de paradigmes arabes intraduisibles.
Les organisations internationales qui chapeautent les États islamiques ont repris le sujet de la Da’wah et certaines organisations ont été créées dans ce but. L’OCI – « Organisation de la conférence islamique » à Djeddah/Saoudi-Arabie est l’un de ces organismes. La Ligue mondiale musulmane, basée à La Mecque, joue également un rôle important. Le « Conseil islamique international pour la Da’wah et le secours » , qui a des bureaux au Caire et à Amman, a également été créé à cette fin. Des conférences internationales sont organisées pour relever les défis de contextes spécifiques auxquels la Da’wah est confrontée, et une grande partie des efforts sont coordonnés par ces organismes. L’Arabie Saoudite et les États du Golf, ainsi que de nombreux riches sponsors privés, soutiennent les efforts mondiaux de la Da’wah. C’est que l’Islam politique est devenu de plus en plus impatient depuis les événements du 11 septembre 2001 et les conflits militaires qui ont suivi en Afghanistan et en Irak.
Quels sont les moyens à mettre en œuvre pour que la Da’wah et le Jihad soient couronnés de succès ? Ces questions font l’objet de discussions et un nombre croissant d’opinions controversées sont exprimées. Cependant, les problèmes avec les partisans de l’Islam militant s’aggravent, car les islamistes trouvent leur justification idéologique dans le Coran et la Sunna, la vie du Prophète, et affirment, sans être démentis, que l’usage de moyens violents est légitime en Islam.
La façon dont les États musulmans s’identifient aux efforts de la Da’wah devient claire lorsqu’on examine les procès-verbaux, les protocoles, les résolutions et les informations publiés par les organisations faîtières musulmanes et leurs membres. Le secrétaire général de la conférence des ministres des affaires étrangères de l’OCI à Kuala Lumpur, en Malaisie, en juin 2000, a ouvert son rapport sur la Da’wah et le Comité pour la coordination de l’action islamique commune en déclarant : « La Da’wah islamique est l’une des pierres angulaires de l’action islamique commune, et les institutions de la Da’wah à travers le monde jouent aujourd’hui un rôle vital dans la protection de la communauté islamique contre les nombreux dangers qui l’entourent. L’Organisation de la Conférence islamique en a pris conscience et a agi pour la propagation de la Da’wah islamique… Les organisations et institutions islamiques gouvernementales et non-gouvernementales ont été rassemblées sous l’égide de l’OCI dans le cadre d’un comité appelé ‘Comité pour la coordination de l’action islamique commune’. A ce jour, le comité a tenu douze réunions » .
Nous voyons comment un forum international pour les efforts de Da’wah a été créé afin de renforcer la solidarité musulmane dans la défense des intérêts musulmans, y compris le lobbying international au niveau politique et économique. Les intérêts musulmans et le désir de répandre l’islam figurent en bonne place à l’ordre du jour de ces organismes. Lors de la huitième session de la Conférence islamique au sommet de l’OCI en décembre 1997 à Téhéran, on trouve, parmi les nombreuses résolutions la déclaration suivante sur la Da’wah : « Demandez aux États membres de prendre les mesures nécessaires pour intégrer cette stratégie dans leurs politiques nationales en matière d’information éducative, de Da’wah islamique et d’autres domaines de méthodologie à suivre dans le cadre de l’Action islamique commune. »
Des résolutions et des déclarations similaires figurent dans les publications de la Ligue mondiale musulmane, dont le but premier est d’aider la Da’wah dans le monde entier, notamment en fournissant des ressources financières pour la construction de mosquées, de centres de Da’wah et l’utilisation des médias. Pour la coordination et la mise en réseau, il existe également le « Conseil islamique international pour la Da’wah et le secours » , au sein duquel diverses ONG islamiques ainsi que des organisations de tutelle sont représentées. Ici encore, il est évident que les différentes organisations coopèrent étroitement avec les dirigeants politiques et religieux dans leurs promotion et soutien de la Da’wah.
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La Da’wah et la mission chrétienne
Il n’y a pas lieu ici de comparer Da’wah islamique et mission chrétienne. Les différences sont profondes et s’enracinent dans des concepts de Dieu et de la Révélation divergents et inconciliables.
La mission chrétienne prend sa source dans la souffrance et l’amour compatissant de Dieu qui franchit toutes les barrières afin de rechercher et sauver l’humanité perdue par l’intermédiaire de Jésus-Christ. Elle est donc libre de toute contrainte et constitue une invitation à être et à devenir vraiment humain. Par la vie, la souffrance, la croix et la résurrection de Jésus-Christ, le chemin vers une vie nouvelle s’ouvre à nous dans le Royaume de Dieu et l’Esprit Saint nous accorde la foi et l’obéissance nécessaires pour suivre le fils de Dieu.
La mission chrétienne est contraignante car l’amour de Dieu, tel qu’il est révélé en Jésus-Christ et enraciné dans le mandat du Dieu trinitaire, nous appelle à une obéissance aimante. Nous sommes envoyés comme Jésus a été envoyé par le Père, dans la puissance du Saint-Esprit, pour être, dans le monde, témoins de Jésus-Christ.
Le rejet et la résistance de l’Islam à la mission chrétienne ne la rendent pas moins impérative et nous ne pouvons pas nous taire, car nous devons proclamer le salut en Christ. L’attitude même de l’Islam confirme pour les chrétiens le mandat de la mission, puisque le Christ doit être annoncé là où il est si mal représenté. Tant que l’Église de Jésus-Christ se connaît et connaît son Seigneur, témoigner de l’Évangile avec les musulmans reste une obligation d’amour. Cette obligation consiste à suivre Christ en partageant la bonne nouvelle que Dieu était en Christ, réconciliant le monde avec lui-même (2. Corinthiens 5:19).