Le mot arabe pour mosquée, masjid, dérive d’une racine de trois lettres s-j-d qui a le sens de prosternation. La mosquée est donc l’endroit où l’on se prosterne devant Dieu. Les mosquées sont aussi souvent désignées sous le terme de beit Allah, « maison de Dieu ». Cela est particulièrement vrai de la mosquée principale de La Mecque et de deux autres mosquées importantes, celles de Médine et de Jérusalem.
A partir du 15e siècle, le terme masjid sera utilisé pour des mosquées plus petites et de moindre importance alors que la mosquée principale d’une ville est désignée par le terme al-Jami, la mosquée du vendredi. Les théologiens musulmans se disputent pour savoir s’il peut y avoir plus d’une mosquée du vendredi par localité. L’école chafiite insiste sur le fait qu’il ne peut y avoir qu’une seule mosquée du vendredi aussi longtemps qu’elle peut contenir tous les croyants.
Les musulmans fréquentent les mosquées pour prier et écouter la prédication, particulièrement le vendredi, qui correspond plus ou moins au dimanche des chrétiens. Des dictons traditionnels affirment que chaque pas sur le chemin de la mosquée compte pour le pardon des péchés.
Edifices sacrés dans l’islam et le christianisme
A l’origine, contrairement à l’architecture sacrée du christianisme, la mosquée ne remplissait pas la seule fonction sacramentelle de lieu de prière et d’adoration mais était aussi utilisée comme un lieu où étaient passés des accords commerciaux, jugés des cas judiciaires, tenues des rencontres politiques et annoncées des décisions administratives, comme une réduction d’impôts. Les mosquées servaient de trésor public, d’établissement d’éducation, d’hôtellerie pour les voyageurs, les employés ou les étudiants, et les lettrés pouvaient manger là avec leurs disciples.
Le lien étroit entre religion, politique et société et, dans l’islam des débuts, conduite de la guerre, faisait que les émeutes et les conflits armés se déroulaient souvent à la mosquée.
Beaucoup de traditions considèrent la mosquée comme seul lieu valable pour la prière, certains estimant même qu’une prière offerte à l’extérieur de la mosquée n’est pas valide. Pourtant, selon la tradition, Mahomet a voulu souligner l’universalité de l’islam en affirmant que toute la terre convenait comme lieu de prière et il considérait cela comme une différence distinguant l’islam des religions monothéistes qui l’avait précédé.
Les conquérants musulmans n’ont pas hésité à transformer synagogues, églises et temples du feu en mosquées et, dans certaines villes, musulmans et chrétiens ont partagé des bâtiments d’église. C’est une chose difficilement imaginable aujourd’hui où beaucoup de musulmans considèrent qu’il est interdit d’entrer dans une église chrétienne alors qu’au même moment, en Europe de l’Ouest, de plus en plus de bâtiments d’église inutilisés sont offerts aux musulmans comme lieu de culte.
Au fil des siècles, les mosquées ont été de plus en plus considérées comme des lieux sacrés où l’on ne peut entrer qu’en état de pureté rituelle et qui ne doivent pas être profanés par quelqu’un gardant ses chaussures ou par la présence d’un animal impur ou d’un infidèle.
Plan
A l’origine, il n’y avait pas d’endroit spécialement réservé aux rencontres et à la prière et Mahomet et ses premiers disciples avaient l’habitude de se réunir pour prier dans les rues de Médine, sur les places ou dans des maisons privées. La tradition affirme que, lors de son arrivée à Médine en 622 ap. J.-C., Mahomet a acheté l’endroit où ses chameaux se sont reposés pour la première fois et qu’il a construit là sa maison en lui adjoignant un espace pour les réunions. Le deuxième calife Omar (mort en 644) aurait construit un mur d’un mètre quatre-vingt de haut autour de cet espace. La tradition varie sur le fait que ce serait l’ange Gabriel qui aurait ordonné à Mahomet de construire la première mosquée. Des portiques furent construits le long des murs et des espaces réservés, hors de vue, pour les femmes de Mahomet ou comme abris pour les sans-logis.
Les prières se faisaient à l’origine face au Nord, vers Jérusalem, mais la direction (qibla en arabe) changea pour le Sud quand Mahomet, après sa séparation du Judaïsme, se tourna vers La Mecque, pratique actuelle de 1,3 milliards de Musulmans.
La première mosquée à Médine ressemblait plus à un quartier général qui servait aussi, mais pas uniquement, de lieu de prière et de prédication le vendredi. Il y eut rapidement d’autres mosquées dans différentes tribus ; elles jouèrent un rôle important dans les temps d’agitation et de conflit. Dans les régions nouvellement conquises, des mosquées importantes furent immédiatement construites et remplirent, pour leur territoire, les mêmes fonctions que la mosquée principale de Médine.
Rôle variable des mosquées
Différents types de mosquées se sont rapidement développés comme des mosquées commémoratives aux endroits particuliers où Mahomet priait. Sa maison de naissance et celle de sa femme Khadija furent transformées en mosquées et une mosquée rappelait l’endroit où l’on disait que des esprits (djinn en arabe) avaient écouté Mahomet.
Un prestige toujours plus grand étant associé à la fondation d’une mosquée, leur nombre s’accrût. Elles portaient souvent le nom leur fondateur et assurait parfois un revenu à sa descendance. Des mosquées ont été construites par les différentes écoles de Loi coranique ou pour des érudits appréciés.
La mosquée dédiée à un saint constitue un cas particulier. Bien que, dans l’islam orthodoxe, il soit strictement interdit (makruh) de bâtir une mosquée sur une tombe, d’adorer les saints ou de se prosterner sur leurs tombes, des traditions pré-islamiques ou chrétiennes peuvent avoir inspiré et influencé la vénération des saints dans l’islam. Beaucoup d’églises et de synagogues, bâties sur les tombes de saints également vénérés par des musulmans, ont été transformées en mosquées. En fait, les personnes ne prient pas sur les tombes mais attendent une bénédiction (baraka en arabe) pour avoir passé du temps en de tels endroits et au contact du sol de la tombe. La vénération des saints continue de jouer un rôle important dans l’islam populaire et il y a même des érudits qui estiment que visiter la tombe d’un saint équivaut à un pèlerinage à La Mecque. Ainsi, comme cela se fait à la Kaaba, les fidèles marchent en procession rituelle autour de sa tombe.
Leur rôle social et politique a surtout fait construire les mosquées dans les agglomérations centrales en relation avec la résidence du souverain. Jusqu’à l’époque des Abbassides (750-1258 ap. J.-C.), c’était le souverain qui conduisait la prière et la prédication du vendredi. Les Abbassides ont été les premiers à financer, sur les deniers publiques, des prédicateurs du vendredi et des imams pour diriger les mosquées, les sultans exerçant alors rarement ces fonctions. Dans les petites mosquées, une même personne remplissait les rôles d’imam et de prédicateur, alors que des mosquées plus grandes et plus importantes pouvaient employer plusieurs imams et prédicateurs responsables de la prière, salat, cinq fois par jour et des prédications du vendredi et des jours de fêtes.
L’entretien de la mosquée et de ses employés dépend de son importance ou de son fondateur, et il peut être financé par l’Etat ou ses dirigeants, ou bien par les croyants ou une association.
Aujourd’hui même, beaucoup de mosquées sont installées au centre d’une ville, souvent dans le quartier des affaires, et font souvent partie du bazar. Les visiteurs occidentaux peuvent être surpris d’y voir des personnes faisant la sieste en milieu de journée ou engagées dans une vive discussion mais, en théorie, les mosquées sont supposées être ouvertes tout le temps pour tout le monde. C’est un endroit d’adoration pour tous et elles sont l’image de l’égalité et de la communauté.
Architecture de la mosquée
Dans sa forme originale, la mosquée était une cour ouverte mais les choses ont changé quand des églises et des synagogues ont été transformées en mosquées. Les multiples fonctions des mosquées ont conduit à construire des pièces supplémentaires pour les voyageurs, les employés, les juges, les étudiants et leur classes, pour des besoins administratifs et des procès. Des saints ont même été enterrés sous les portiques couverts ou dans les bâtiments adjacents.
L’interdiction des images dans l’islam a influencé l’aménagement intérieur des mosquées. Les icones et les statues sont interdites et, à leur place, la calligraphie artistique de l’écriture arabe, tenue pour sacrée, orne les murs et même l’architecture.
La niche dans le mur, indiquant la direction vers la Mecque, est un élément important. Dans ce même mur se trouve le mihrab, une niche de prière décorée de façon recherchée « dont la forme dérive du canon de l’antiquité tardive ». Aujourd’hui, la plupart des mosquées sont construites avec un minaret (manara en arabe), ce qui entraîne des polémiques en Occident concernant leur hauteur et l’appel à la prière par haut-parleurs.
On ne connaît pas la date de l’apparition d’éléments comme les niches de prière et les minarets et rien n’atteste de leur existence dans les premières mosquées. Il y a aussi le chœur ou chaire (minbar en arabe) habituellement situé à proximité de la niche de prière. De là, le prédicateur prêche son sermon, debout ou assis. On dit que Mahomet prêchait à la Mecque en s’appuyant sur un tronc de palmier ou sur le dos de sa monture. Les premières chaires étaient mobiles et utilisées pour les cérémonies de proclamation et de couronnement des souverains.
Aujourd’hui, la mosquée de La Mecque a de nombreuses chaires, une pour chaque école de la Loi sunnite ainsi que pour les Zaydites chiites et on les utilise à tour de rôle pour les prédications du vendredi. Les chaires sont souvent drapées de tissu précieux, à l’imitation de la Kaaba. Il y a parfois un lutrin pour le Coran, objet d’une vénération particulière, qui est conservé dans un coffre spécial (sunduq en arabe) avec d’autres objets précieux.
La lumière devint de plus en plus importante dans les mosquées au fur et à mesure que les pèlerins et ceux qui cherchaient Dieu passaient la nuit en prière et en contemplation, de même que pour les étudiants et leurs maîtres et on a rapidement accordé une attention particulière à la fabrication de lampes.
Les puristes, comme les wahhabites d’Arabie Saoudite, prient sur un sol nu. Mais c’est une coutume largement répandue de prier sur des tapis, souvent coûteux aujourd’hui. On dit que Mahomet lui-même utilisait un tapis de prière spécial.
L’eau est importante dans une mosquée non seulement pour la boisson ou la santé mais pour la toilette rituelle à accomplir avant les prières ou après une contamination (par exemple par le contact avec des fluides corporels). Suivant en cela l’exemple de la Mecque, des puits existent souvent dans les cours intérieures.
Cérémonies religieuses à la mosquée
La mosquée est l’endroit du culte et de la prédication, de la prière, de l’adoration d’Allah et de l’invocation de son nom. La sourate 24:36 appelle les musulmans à prier à la mosquée le matin et le soir. Les ascètes, en particulier, ont adopté une coutume attribuée à Mahomet, celle de passer du temps à la mosquée pour leurs dévotions. On dit que Mahomet a passé entre dix et vingt jours à la mosquée durant le jeûne du mois de ramadan.
En même temps que les mosquées étaient de plus en plus considérées comme des bâtiments sacrés, différentes règles et interdictions se sont développées, comme la coutume, suivant en cela l’exemple de Mahomet, de franchir le seuil de la mosquée avec le pied droit. Au retour d’un voyage, on se prosternera deux fois en prière à la mosquée. On attend du croyant qu’il participe à la prière du vendredi en étant propre et avec une tenue soignée, qu’il ne se rase pas et qu’il ne crache pas dans la mosquée. La coutume d’ôter ses chaussures avant d’entrer dans une mosquée remonterait au second calife Omar (mort en 644).
Des textes traditionnels datant de la dynastie des Omeyades (661-750) montrent que l’aspect extérieur des mosquées a pris de plus en plus d’importance. Les activités accomplies dans l’enceinte de la mosquée, quelles soient religieuses comme les prières ou les vœux, ou séculières, comme la conclusion de contrats, sont souvent considérées comme ayant une plus grande portée. Encore plus importants sont les vœux faits à la Kaaba et ils sont souvent couchés par écrit. Les mariages seront, en partie, célébrés à la mosquée. Un mariage qui s’achève par un décret de divorce religieux doit être dissous à la mosquée. D’autre part, plusieurs docteurs sont opposés à la coutume, largement répandue parmi les Sunnites et les Chiites, d’amener le défunt à la mosquée pour que soient dites des prières pour le repos de son âme (requiem) avant les funérailles.
Le rapport étroit entre religion et politique et entre autorités religieuses et autorités politiques transparaît, dans l’islam des origines, non seulement dans la proximité de la mosquée avec le centre du pouvoir mais aussi dans les déclarations politiques faites durant les prédications du vendredi et les malédictions prononcées publiquement dans la prière. Ces malédictions mutuelles entre Sunnites et Chiites sont de tradition ancienne. Des observateurs occidentaux peuvent avoir été quelque peu déconcertés de voir, à Téhéran, l’ex-président Rafsandjani prêcher le sermon hebdomadaire du vendredi un pistolet à la main.
La mosquée continue de jouer un rôle important comme point de rencontre et centre social. La diaspora musulmane a encore plus accentué ce rôle associatif de lieu d’enseignement, d’entraide et de fêtes communautaires. Ali Kizilkaya, Président du Conseil islamique en Allemagne, fait de la mosquée la Maison de Dieu, se référant moins à un bâtiment sacré et plus à un centre de prière et de communion, ouvert aux discussion édifiantes, pour passer du temps dans la prière ou pour un échange religieux ou séculier. Selon Kizilkaya, rien n’est interdit dans la mosquée aussi longtemps que ce n’est pas contraire à la religion.
L’appartenance à une mosquée est déterminée soit par l’appartenance à une association soit par le lieu de résidence. La majorité des personnes fréquentent la mosquée la plus proche de chez eux.
Il y a des rapports contradictoires sur le financement de la construction et de l’entretien des mosquées en Europe de l’Ouest. On admet souvent que les « Fondations Da’wa pour l’avancement de l’islam » d’Arabie saoudite, du Koweït ou du Pakistan ont participé aux coûts de construction et d’entretien des mosquées des pays occidentaux. Le Conseil islamique, par la voix de son président Ali Kizilkaya, affirme que toutes les mosquées affiliées au Conseil ont été payées et sont entretenues par leurs membres sur place, ce qui représente une lourde charge pour ces communautés souvent relativement peu nombreuses.
C’est le devoir des hommes de venir prier à la mosquée, au moins le vendredi, mais, aujourd’hui encore, savoir si les femmes doivent prier plutôt à la maison qu’à la mosquée reste un sujet de controverse. Si c’est à la mosquée, alors se sera dans des pièces séparées ou, au moins, derrière les hommes. Certains érudits disent que les femmes devraient quitter la mosquée avant les hommes. Selon la tradition, Mahomet, comme le calife Omar, étaient accompagnés de leurs femmes.
On a l’habitude de dire, dans beaucoup de pays islamiques, que seuls les hommes au-dessus de quarante ans fréquentent les mosquées mais cela semble avoir changé au cours de ces dernières années ; avec la poussée de l’islamisation, les mosquées semblent attirer des hommes plus jeunes. De façon étrange, cela ne semble pas être le cas en République islamique d’Iran, où les gens se plaignent que les mosquées soient de plus en plus désertes.